Le 18 octobre prochain s’ouvrira le 19ème congrès du Parti communiste chinois afin de désigner l’équipe dirigeante du pays. Voici le point de vue de Shi Xintian, un universitaire catholique installé à Hongkong, observateur attentif de l’évolution politique et religieuse en Chine continentale.

Organisé tous les cinq ans, le congrès du Parti communiste chinois constitue, théoriquement, la plus haute autorité du Parti-Etat qui gouverne la Chine. Mais les luttes internes pour le pouvoir précèdent l'ouverture du congrès et la plupart des grandes décisions sont prises lors de sa préparation. Si bien que les 2300 'délégués élus' (1) sont mis devant le fait accompli. Ils n'ont plus qu'à soutenir les dirigeants qui émergent, vainqueurs de la lutte, et à entériner la nouvelle situation qui s'installe.

Les observateurs parient déjà que Xi Jinping (习近平), 64 ans, secrétaire général et président de la commission militaire centrale du Parti communiste chinois depuis le 15 novembre 2012 (2), et président de la République populaire de Chine depuis le 14 mars 2013, qui arrive à la fin de son premier mandat, sera reconduit pour un second terme, voire un troisième en 2022. Il a très habilement manœuvré, durant ces cinq dernières années, pour consolider son pouvoir et pour y rester aussi longtemps que possible. Il a méthodiquement éliminé tous ses rivaux réels ou imaginaires et on ne voit pas, dans la situation actuelle, qui pourrait l'arrêter.

Un quinquennat musclé

Durant son mandat, ses collaborateurs du comité permanent du bureau politique et, surtout, lui-même ont mis en œuvre une politique plus dure que celle de leurs prédécesseurs (3). Ils ont accéléré la promotion d'une tradition autoritaire et rigide qui remonte au 'Grand Timonier', Mao Zedong, et d'une autre, bien plus ancienne, le confucianisme : la soumission à l'empereur. Ils ont sévèrement réprimé la dissidence et ont resserré le contrôle du gouvernement sur l’Internet chinois. Lors de la mort du Prix Nobel de la paix 2010, Liu Xiaobo, ils ont été impitoyables envers la femme du défunt et tous ceux qui voulaient le soigner. Finalement, ils se sont opposés à fond à la démocratisation de Hongkong que réclament nombre de ses habitants et ont refusé de dialoguer avec ces derniers. Ce sont là, pour Xi Jinping, des moyens de se justifier et de prolonger sa période d’autoritarisme (4). Seule inconnue : combien de ses partisans réussira-t-il à placer à des postes-clé à l'aube de son nouveau mandat ?

Alors que le congrès entre dans la période des derniers préparatifs, les protégés de Jiang Zemin (secrétaire général du PCC de 1989 à 2002), sont écartés, prennent progressivement leur retraite et sont remplacés par de jeunes talents aux dents longues mais favorable au nouveau chef. En témoignent notamment la situation de Qin Yizhi et celle de Sun Zhengcai.

Qin Yizhi (秦宜智) est président de la Ligue de la Jeunesse communiste chinoise. Il a toute la confiance de ses aînés quand il reçoit à Pékin une délégation de la jeunesse communiste vietnamienne le 21 mai 2016. Il s'agit d'intensifier les échanges et de promouvoir le partenariat entre les jeunes des deux pays. Mais, mystérieusement, avant le congrès, son nom et celui de la ligue disparaissent des listes officielles. A qui a-t-il déplu ? Quand et comment ? Aucune explication ne sera donnée.

Coup de tonnerre à Chongqing

Sun Zhengcai (孙政才), 53 ans, est à la tête de la municipalité de l'énorme agglomération qu'est Chongqing, membre du bureau politique du comité central (25 membres), il s'attend à entrer, sous peu, dans le Comité permanent du bureau politique du comité central (7 membres). Ce serait pour lui atteindre le sommet du pouvoir. Il a eu de bonnes relations avec Jiang Zemin et en a, maintenant, d'excellentes avec Xi Jinping dont il soutient le projet. 'Tonton Xi', comme on l'appelle familièrement, a d'ailleurs fait son éloge en janvier 2016. Mais le 15 juillet 2017, sans explication, il est relevé de ses fonctions et mis en examen par la commission de discipline du Parti communiste chinois. Cet organe est présidé par un allié de Xi Jinping, Wang Qishan, membre lui aussi du Comité permanent. Une telle sanction, d'un membre du bureau politique, est exceptionnelle. Depuis 1990, on ne relève que quatre cas (en particulier l'affaire Bo Xilai en 2012). Mais Sun Zhengcai risquait de faire de l'ombre au grand patriarche. Il a été remplacé par Chen Min'er qui, lui, n'est pas membre du bureau politique.

Il est impossible de savoir combien de personnalités la commission de discipline a écarté du pouvoir pour de réels cas de corruption et combien ont été destituées parce qu'ils menaçaient le pouvoir de Xi Jinping. Ce qui est certain c'est que, maintenant, ses rivaux ont renoncé au trône, jadis réservé à l'empereur. Tonton Xi peut s'y installer sans crainte pour longtemps.

La folie des grandeurs

« Une ceinture, une route » est le projet gigantesque de Xi Jinping, dont le coût faramineux est estimé à 1700 milliards de dollars. Il vise à construire dans le monde entier de « Nouvelles Routes de la soie » pour favoriser le commerce et les échanges culturels entre les pays traversés et la Chine. Une de ces routes passera par Djibouti pour desservir l'Afrique et une autre aboutira à Lodz, en Pologne, avec des prolongements prévus vers Lyon, Madrid, ou encore Berlin. Déjà un aéroport gigantesque est en construction à Lodz ; cette construction est financée par Pékin.

Le projet, qui devrait mettre des décennies à se concrétiser, est devenu la marque emblématique du n°1 du Parti, Xi Jinping, qui veut que le « Rêve chinois » devienne réalité. Les obstacles sont nombreux et, vraisemblablement, insurmontables mais déjà la propagande s'est emparée du sujet et cherche à convaincre les gens que la Chine est un pays pacifique qui a un rôle important à jouer au cœur monde.

Les religions en Chine

Les croyants sont particulièrement attentifs au parcours et aux paroles de Tonton Xi, car durant les cinq dernières années, les marges de liberté du citoyen moyen ont diminué et la politique religieuse du pays s'est considérablement durcie. Par exemple : les Ouïghours musulmans et les Tibétains lamaïstes sont surveillés en permanence et des opérations de polices sont régulièrement déployées pour arrêter les 'terroristes', les 'éléments obstinés' et les 'rebelles'.

Les chrétiens n'ont pas été épargnés pendant ce mandat : des restrictions aux célébrations ont été imposées, en 2014, lors de la fête de Noël, considérée comme une fête occidentale ; entre 1200 et 1700 croix au sommet des églises ont été abattues durant la campagne gouvernementale de 2014-2015 dans la province du Zhejiang, de plus, certaines églises ont été démolies parce que construites sans permis. Les enfants, dans quatre provinces chinoises, n'ont plus le droit d'entrer dans les églises parce que cela entrave leur éducation à l’athéisme. Des évêques sont empêchés d'exercer leur ministère : l'évêque de Whenzou est régulièrement soustrait à ses fidèles, l'évêque de Shangaï est en résidence surveillée, un sort partagé par l'évêque de Zhouzhi de 2005 à 2015. Et concernant les négociations sino-vaticanes, le cardinal Zen Ze-Kiun, évêque émérite de Hong-Kong, considère que celles-ci sont une pure perte de temps : « C'est dialoguer avec Hérode ! » répète-t-il. Au contraire, le cardinal John Tong juste avant de prendre sa retraite, cette année, a publié une longue lettre dans le journal diocésain Kong Kao Po (公教報) « Une lettre à ma famille dans le Christ » dans laquelle il insiste sur la nécessité de poursuivre le dialogue avec Pékin.

Les déclarations du gouvernement ne sont pas faites, non plus, pour rassurer les chrétiens : « Les religions doivent renforcer le sens de l'Etat » (déclaration du 27 janvier 2014 de Yu Zhengsheng, numéro 4 du comité permanent du bureau politique), « le Parti doit diriger et contrôler les religions […] et nous garder contre toute influence étrangère » (discours du 23 avril 2016, Xi Jinping).

Les chrétiens chinois en ont vu d'autres. Quand le gouvernement menace, ils restent calmes, baissent la tête et se font plus discrets mais continuent de se réunir et de prier ensemble. Ils croient en cette parole du Christ : « Ne crains pas, petit troupeau ! » (Lc 12, 32). De plus, ils savent que certains discours politiques sont sans lendemain et n'atteignent pas les paroisses à la base car les cadres du Parti qui les surveillent, parfois, craignent de se faire mal voir par la population locale. Alors, leur réaction, c'est l'attentisme !

(1) 2300 délégués élus : ce chiffre est en légère hausse par rapport à celui du 18° congrès du Parti communiste chinois. Les délégués sont élus par des structures provinciales et municipales. Ils représenteront les 89 millions de membres du Parti communiste chinois.

(2) Ce poste de président de la commission militaire est considéré comme étant le plus important en Chine. Pendant des années, Deng Xiaoping, qui était officiellement à la retraite, a continué à diriger le pays.

(3) La chasse à la corruption et aux corrompus a été le prétexte de bien des répressions. Whatsapp a été bloqué des semaines bien avant l'ouverture du congrès. Fait troublant : trois étudiants de Hong-Kong, meneurs durant l'occupation de Hong-Kong de 2014 : Joshua Wong (黃之鋒), Nathan Law (罗冠聪) et Alex Chow (周永康) ont été condamnés à de la prison ferme pour une offense considérée comme mineure, alors qu'ils avaient déjà purgé leur peine en faisant des travaux d'intérêt commun.

(4) Le projet des «Routes de la soie » mettra plusieurs décennies pour se mettre en place. Xi Jinping considère qu'il faut qu'il soit encore au pouvoir pour veillez à réussite du chantier. En ce qui concerne la démocratie à Hong-Kong, Xi Jinping est très fermement contre car il y aurait le risque qu'un opposant au régime y soit élu chef de l'exécutif et entre en conflit avec Pékin.

(Source: Eglises d'Asie, le 16 octobre 2017