A en juger par le volume des publications parues ces dernières semaines sur Internet et dans la presse au sujet des relations sino-vaticanes, il semblerait que Pékin et Rome se rapprochent en vue de conclure un accord concernant sinon la normalisation de leurs relations du moins le mode de nomination des évêques en Chine. Toutefois, en l’absence de communiqué officiel de l’une ou l’autre partie en présence, rien ne permet d’affirmer qu’un accord est en passe d’être conclu.
Ce 24 août, le journal catholique italien L’Avvenire a publié une longue interview du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, dans laquelle le prélat aborde, parmi d’autres sujets, les relations du Vatican avec la Chine. Le cardinal y confirme ce qui, ces derniers temps, était devenu quasi-officiel, à savoir le fait que Rome et Pékin négocient. Mais le secrétaire d’Etat utilise toutefois le mot « contacts » pour qualifier le dialogue qui s’est établi entre les deux parties et précise que ceux-ci se poursuivent « dans un esprit de bonne volonté des deux côtés ». Le cardinal prend également soin de rassurer ses éventuels lecteurs du gouvernement chinois sur le fait que les catholiques chinois sont « entièrement chinois » et que le Saint-Siège est attentif au fait qu’ils puissent « vivre positivement leur appartenance à l’Eglise et, dans le même temps, être de bons citoyens et contribuer à renforcer l’harmonie de l’ensemble de la société chinoise ». Quant à un éventuel accord, nulle déclaration, sinon que « le chemin de la connaissance et de la confiance mutuelles prend du temps, nécessite de la patience et appelle à une hauteur de vue des deux côtés ».
Une longue dépêche de l’agence Reuters
La séquence médiatique de cet été avait débuté par une longue dépêche de l’agence Reuters publiée ce 14 juillet. Intitulée « Special Report – After decades of mistrust, Pope pushes for breakthrough with China », l’enquête présentait un travail fouillé et bien informé de ce qui constitue très certainement le cœur des pourparlers en cours entre Pékin et Rome, à savoir le mode de nomination des évêques de l’Eglise catholique en Chine. Le gouvernement chinois voit dans la nomination des évêques par le pape une ingérence dans ses affaires intérieures sous prétexte de religion, tandis que l’Eglise défend l’unité du corps épiscopal, laquelle est notamment scellée par le fait que les évêques, successeurs des apôtres, sont nommés par le pape, successeur de saint Pierre. La dépêche de Reuters se penchait, entre autres, sur le cas des huit évêques de la partie « officielle » de l’Eglise illégitimes aux yeux des fidèles car consacrés sans l’accord de Rome, en évoquant une possible légitimation de ces évêques par le pape François à la faveur de l’année de la Miséricorde. Les journalistes donnaient aussi à voir la complexité des négociations, non seulement entre les deux parties mais aussi sein de l’Eglise et de la Curie romaine.
La séquence s’est poursuivie par la publication sur le blog du cardinal Zen Ze-kiun d’une tribune de l’évêque émérite du diocèse de Hongkong. Le 29 juillet, le cardinal Zen répondait, en chinois, en anglais et en italien, a un article du vaticaniste italien Gianni Valente paru un mois plus tôt sur Vatican Insider. Gianni Valente reprochait au cardinal de s’opposer systématiquement à tout geste du Saint-Siège en vue d’améliorer les relations entre les autorités chinoises et l’Eglise catholique. Avec la verve qui lui est coutumière, le cardinal Zen lui répondait que si l’Eglise négociait avec les autorités chinoises, ces négociations ne devaient pas nécessairement déboucher sur un accord. « Vous devez vous rendre à la table des négociations en étant prêt à admettre que, peut-être pour la centième fois, in fine le dialogue n’est pas encore possible », écrivait le cardinal Zen sur son blog, redisant à cette occasion que, selon lui, les autorités communistes n’étaient pas prêtes à accorder à l’Eglise de Chine la liberté de fonctionnement qui justifierait la signature d’un accord avec Rome. Le cardinal Zen complétait ainsi une note, publiée sur son blog le 23 juin, à la tonalité très pessimiste sur l’issue des négociations en cours. Le cardinal y affirmait notamment qu’en tant qu’évêque de l’Eglise catholique, il obéissait au pape mais que cette obéissance n’oblitérait pas la nécessité de suivre ce que lui dictait sa conscience.
«La communion de l’Eglise en Chine avec l’Eglise universelle»
Le 4 août, un long texte du cardinal John Tong Hon venait s’ajouter à cette séquence médiatique. Daté du 31 juillet 2016, il était publié en anglais et en chinois sur le Sunday Examiner et le Kung Kao Po, les deux journaux du diocèse de Hongkong. Intitulé « La communion de l’Eglise en Chine avec l’Eglise universelle », le texte semble s’adresser autant aux catholiques de Chine qu’aux dirigeants chinois. Celui qui a succédé en 2009 au cardinal Zen à la tête du diocèse de Hongkong propose ses réponses aux questions suivantes : « Pourquoi le Saint-Siège persiste-t-il avec insistance à dialoguer avec le gouvernement chinois plutôt qu’à l’affronter ? Que signifie la communion entre les Eglises particulières et l’Eglise universelle ? Sur quels critères les évêques des Eglises locales en Chine continentale devraient-ils être nommés ? Quel est le rôle de ce qui tient lieu aujourd’hui de Conférence des évêques catholiques en Chine ? Quelle(s) relation(s) cette dernière entretient-elle avec les diocèses ? ». Sur le ton qui est le sien, posé, et le style, pédagogue, qui est sa marque, le cardinal Tong déploie une pensée que l’on pourrait qualifier d’optimiste sur ces questions, là où le cardinal Zen ne cache pas son pessimisme, les deux personnalités ne transigeant ni l’une ni l’autre sur l’essence de ce qui constitue l’Eglise « une, sainte, catholique et apostolique ». Dans son texte, le cardinal Tong écrit notamment que « bien que les termes précis d’un accord [entre la Chine et le Saint-Siège] n’ont pas encore été rendus public, nous croyons que le pape François, en tant que protecteur de l’unité et de la communion de l’Eglise universelle, n’acceptera pas un texte qui nuirait à l’intégrité de la foi de l’Eglise universelle ou à la communion entre l’Eglise catholique en Chine et l’Eglise universelle ».
Des négociations, mais peu d’information
Sur les blogs en Chine continentale, sur les réseaux sociaux ailleurs, ainsi que sur les sites d’information religieuse, les commentaires sont allés bon train autour de ces trois principaux textes, sans pour autant apporter d’éléments d’information nouveaux quant aux négociations en cours entre Pékin et Rome. La vigueur des polémiques exprimées sur les réseaux sociaux dénote l’inquiétude qui sourd au sein de la communauté des catholiques chinois quant à un éventuel accord entre Pékin et Rome.
Quant à l’actualité en Chine, on peut noter ici deux faits concrets : le 25 juillet dernier, alors que les jeunes catholiques du monde entier se réunissaient à Cracovie pour les 31e Journées mondiales de la jeunesse, à l’aéroport de Pékin, les autorités ont fait stopper un avion qui roulait déjà sur le tarmac pour s’envoler vers la Pologne. Elles en ont fait descendre une cinquantaine de jeunes catholiques chinois pour « violation de la réglementation sur les voyages à l’étranger », avant de les renvoyer dans leurs foyers avec interdiction de parler aux médias. Selon nos informations, un millier environ de jeunes Chinois du continent ont toutefois pu se rendre discrètement en Pologne pour prendre part aux JMJ.
Enfin, à l’approche du G20 qui réunira à Hangzhou, dans la province du Zhejiang, les chefs d’Etat et de gouvernement des vingt plus grandes économies de la planète, les autorités ont pris des mesures de sécurité draconiennes. Afin de « créer un environnement sûr », les églises catholiques et les temples protestants du district de Hangzhou où se réuniront les responsables politiques auraient reçu l’ordre de fermer leurs portes : selon The Guardian, aucun service religieux n’y sera autorisé les deux jours que dure le G20, dont le dimanche 4 septembre 2016. Située dans une région connue pour l’importance de ses communautés chrétiennes, Hangzhou est la capitale du Zhejiang, une province où sévit depuis deux ans et demi une campagne d’abattage des croix visibles sur les lieux de culte chrétiens. (eda/ra)
(Source: Eglises d'Asie, le 25 août 2016)
Ce 24 août, le journal catholique italien L’Avvenire a publié une longue interview du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, dans laquelle le prélat aborde, parmi d’autres sujets, les relations du Vatican avec la Chine. Le cardinal y confirme ce qui, ces derniers temps, était devenu quasi-officiel, à savoir le fait que Rome et Pékin négocient. Mais le secrétaire d’Etat utilise toutefois le mot « contacts » pour qualifier le dialogue qui s’est établi entre les deux parties et précise que ceux-ci se poursuivent « dans un esprit de bonne volonté des deux côtés ». Le cardinal prend également soin de rassurer ses éventuels lecteurs du gouvernement chinois sur le fait que les catholiques chinois sont « entièrement chinois » et que le Saint-Siège est attentif au fait qu’ils puissent « vivre positivement leur appartenance à l’Eglise et, dans le même temps, être de bons citoyens et contribuer à renforcer l’harmonie de l’ensemble de la société chinoise ». Quant à un éventuel accord, nulle déclaration, sinon que « le chemin de la connaissance et de la confiance mutuelles prend du temps, nécessite de la patience et appelle à une hauteur de vue des deux côtés ».
Une longue dépêche de l’agence Reuters
La séquence médiatique de cet été avait débuté par une longue dépêche de l’agence Reuters publiée ce 14 juillet. Intitulée « Special Report – After decades of mistrust, Pope pushes for breakthrough with China », l’enquête présentait un travail fouillé et bien informé de ce qui constitue très certainement le cœur des pourparlers en cours entre Pékin et Rome, à savoir le mode de nomination des évêques de l’Eglise catholique en Chine. Le gouvernement chinois voit dans la nomination des évêques par le pape une ingérence dans ses affaires intérieures sous prétexte de religion, tandis que l’Eglise défend l’unité du corps épiscopal, laquelle est notamment scellée par le fait que les évêques, successeurs des apôtres, sont nommés par le pape, successeur de saint Pierre. La dépêche de Reuters se penchait, entre autres, sur le cas des huit évêques de la partie « officielle » de l’Eglise illégitimes aux yeux des fidèles car consacrés sans l’accord de Rome, en évoquant une possible légitimation de ces évêques par le pape François à la faveur de l’année de la Miséricorde. Les journalistes donnaient aussi à voir la complexité des négociations, non seulement entre les deux parties mais aussi sein de l’Eglise et de la Curie romaine.
La séquence s’est poursuivie par la publication sur le blog du cardinal Zen Ze-kiun d’une tribune de l’évêque émérite du diocèse de Hongkong. Le 29 juillet, le cardinal Zen répondait, en chinois, en anglais et en italien, a un article du vaticaniste italien Gianni Valente paru un mois plus tôt sur Vatican Insider. Gianni Valente reprochait au cardinal de s’opposer systématiquement à tout geste du Saint-Siège en vue d’améliorer les relations entre les autorités chinoises et l’Eglise catholique. Avec la verve qui lui est coutumière, le cardinal Zen lui répondait que si l’Eglise négociait avec les autorités chinoises, ces négociations ne devaient pas nécessairement déboucher sur un accord. « Vous devez vous rendre à la table des négociations en étant prêt à admettre que, peut-être pour la centième fois, in fine le dialogue n’est pas encore possible », écrivait le cardinal Zen sur son blog, redisant à cette occasion que, selon lui, les autorités communistes n’étaient pas prêtes à accorder à l’Eglise de Chine la liberté de fonctionnement qui justifierait la signature d’un accord avec Rome. Le cardinal Zen complétait ainsi une note, publiée sur son blog le 23 juin, à la tonalité très pessimiste sur l’issue des négociations en cours. Le cardinal y affirmait notamment qu’en tant qu’évêque de l’Eglise catholique, il obéissait au pape mais que cette obéissance n’oblitérait pas la nécessité de suivre ce que lui dictait sa conscience.
«La communion de l’Eglise en Chine avec l’Eglise universelle»
Le 4 août, un long texte du cardinal John Tong Hon venait s’ajouter à cette séquence médiatique. Daté du 31 juillet 2016, il était publié en anglais et en chinois sur le Sunday Examiner et le Kung Kao Po, les deux journaux du diocèse de Hongkong. Intitulé « La communion de l’Eglise en Chine avec l’Eglise universelle », le texte semble s’adresser autant aux catholiques de Chine qu’aux dirigeants chinois. Celui qui a succédé en 2009 au cardinal Zen à la tête du diocèse de Hongkong propose ses réponses aux questions suivantes : « Pourquoi le Saint-Siège persiste-t-il avec insistance à dialoguer avec le gouvernement chinois plutôt qu’à l’affronter ? Que signifie la communion entre les Eglises particulières et l’Eglise universelle ? Sur quels critères les évêques des Eglises locales en Chine continentale devraient-ils être nommés ? Quel est le rôle de ce qui tient lieu aujourd’hui de Conférence des évêques catholiques en Chine ? Quelle(s) relation(s) cette dernière entretient-elle avec les diocèses ? ». Sur le ton qui est le sien, posé, et le style, pédagogue, qui est sa marque, le cardinal Tong déploie une pensée que l’on pourrait qualifier d’optimiste sur ces questions, là où le cardinal Zen ne cache pas son pessimisme, les deux personnalités ne transigeant ni l’une ni l’autre sur l’essence de ce qui constitue l’Eglise « une, sainte, catholique et apostolique ». Dans son texte, le cardinal Tong écrit notamment que « bien que les termes précis d’un accord [entre la Chine et le Saint-Siège] n’ont pas encore été rendus public, nous croyons que le pape François, en tant que protecteur de l’unité et de la communion de l’Eglise universelle, n’acceptera pas un texte qui nuirait à l’intégrité de la foi de l’Eglise universelle ou à la communion entre l’Eglise catholique en Chine et l’Eglise universelle ».
Des négociations, mais peu d’information
Sur les blogs en Chine continentale, sur les réseaux sociaux ailleurs, ainsi que sur les sites d’information religieuse, les commentaires sont allés bon train autour de ces trois principaux textes, sans pour autant apporter d’éléments d’information nouveaux quant aux négociations en cours entre Pékin et Rome. La vigueur des polémiques exprimées sur les réseaux sociaux dénote l’inquiétude qui sourd au sein de la communauté des catholiques chinois quant à un éventuel accord entre Pékin et Rome.
Quant à l’actualité en Chine, on peut noter ici deux faits concrets : le 25 juillet dernier, alors que les jeunes catholiques du monde entier se réunissaient à Cracovie pour les 31e Journées mondiales de la jeunesse, à l’aéroport de Pékin, les autorités ont fait stopper un avion qui roulait déjà sur le tarmac pour s’envoler vers la Pologne. Elles en ont fait descendre une cinquantaine de jeunes catholiques chinois pour « violation de la réglementation sur les voyages à l’étranger », avant de les renvoyer dans leurs foyers avec interdiction de parler aux médias. Selon nos informations, un millier environ de jeunes Chinois du continent ont toutefois pu se rendre discrètement en Pologne pour prendre part aux JMJ.
Enfin, à l’approche du G20 qui réunira à Hangzhou, dans la province du Zhejiang, les chefs d’Etat et de gouvernement des vingt plus grandes économies de la planète, les autorités ont pris des mesures de sécurité draconiennes. Afin de « créer un environnement sûr », les églises catholiques et les temples protestants du district de Hangzhou où se réuniront les responsables politiques auraient reçu l’ordre de fermer leurs portes : selon The Guardian, aucun service religieux n’y sera autorisé les deux jours que dure le G20, dont le dimanche 4 septembre 2016. Située dans une région connue pour l’importance de ses communautés chrétiennes, Hangzhou est la capitale du Zhejiang, une province où sévit depuis deux ans et demi une campagne d’abattage des croix visibles sur les lieux de culte chrétiens. (eda/ra)
(Source: Eglises d'Asie, le 25 août 2016)