Le dalaï lama se dit prêt à mettre fin à la fonction qu’il représente
Mercredi 24 février 2010, Eglises d'Asie - Lundi 22 février, lors d’une interview accordée à la NPR (National Public Radio) à Los Angeles, le dalaï lama a déclaré qu’il ne voyait « aucun problème » à mettre fin à sa fonction si les Tibétains le souhaitaient.
Tenzin Gyatso, XIVe dalaï lama, qui effectue en ce moment un voyage aux Etats-Unis particulièrement peu apprécié par la Chine, laquelle menace de sanctions Washington, a été interviewé le 22 février dernier par Renee Montagne, sur la principale radio publique américaine NPR, après sa rencontre très médiatisée le 19 février, avec le président Barack Obama à la Maison Blanche.
Après avoir évoqué différents thèmes, comme son combat pour les droits de l’homme et la paix interreligieuse ou encore son choix de la non-violence et d’une « voie moyenne » dans les pourparlers avec Pékin au sujet d’une autonomie du Tibet, le dalaï lama a créé la surprise en déclarant qu’il était prêt à mettre fin à l’institution qu’il représentait et qui existe depuis le XIVe siècle, si les Tibétains préféraient cette solution à un successeur qui serait choisi par le gouvernement chinois. « C’est en fin de compte, je l’ai toujours dit, aux gens de décider si cette institution doit perdurer ou non », a-t-il déclaré. « Si une majorité de Tibétains a le sentiment que l’institution du dalaï lama n’a plus de sens, alors cette institution doit cesser d’exister, il n’y a aucun problème ».
En 1995, Pékin avait refusé le candidat que le chef spirituel tibétain avait désigné comme étant la réincarnation du panchen lama, dont le rôle est décisionnaire pour la reconnaissance des réincarnations du dalaï lama. Le jeune garçon, Gendhun, avait alors disparu mystérieusement pour être remplacé par un candidat choisi par le gouvernement communiste chinois. Ce dernier, Gyaincain Norbu est présenté aujourd’hui comme le panchen lama officiel par Pékin, bien qu’il soit toujours refusé par la communauté tibétaine. Il a fait récemment ses premières apparitions en public, confirmant ainsi les craintes du dalaï lama concernant les intentions de la Chine d’imposer le choix de son successeur (1).
Le choix d’un nouveau dalaï lama répond à des règles précises: la nouvelle réincarnation du chef spirituel doit être recherchée après la mort de celui-ci, par le panchen lama ainsi que par quelques responsables religieux habilités. L’actuel dalaï lama, Tenzin Gyatso, avait été désigné à l’âge de 4 ans, après avoir notamment « reconnu » des objets ayant appartenus au précédent dalaï lama, un élément indispensable dans le processus d’identification des tulku (maîtres spirituels réincarnés) du bouddhisme tantrique.
Agé de près de 75 ans aujourd’hui, Tenzin Gyatso vit en exil en Inde depuis 1959, date de sa fuite du Tibet (2). Ces dernières années, il s’est beaucoup exprimé au sujet de sa succession, pour laquelle il a envisagé plusieurs scénarios possibles. Parmi eux, le dalaï lama a évoqué à plusieurs reprises la possibilité, peu fréquente mais prévue par la tradition bouddhique tibétaine, qu’un lama « hautement réalisé » puisse choisir la date et le lieu de sa renaissance, ce qui signifie qu’il pourrait reconnaître sa future réincarnation de son vivant (madhé tulku).
Cette alternative pourrait bien être la plus apte à contrer les projets de Pékin, et ce d’autant plus que le chef spirituel bouddhiste a également souligné que l’institution du dalaï lama n’existant que pour servir le peuple et le bouddhisme tibétain, les modalités des réincarnations s’adaptaient aux circonstances et à l’histoire du Tibet. Il serait donc logique, avait-il expliqué, qu’il se réincarne en dehors du Tibet, dans un pays libre, et que sa nouvelle renaissance marque un changement dans la lignée des dalaï lama, en étant peut-être même, une fille (3).
(1) Le panchen lama est le deuxième chef spirituel du bouddhisme tibétain gélupa (‘école des bonnets jaunes’ à laquelle appartient le dalaï lama, lui-même au sommet de la hiérarchie). Le panchen lama et le dalaï lama participent à la reconnaissance des réincarnations l’un de l’autre.
Lors du décès du 10e panchen lama en 1989 au Tibet, Chadrel Rinpoché, responsable de la lamasserie entama les recherches pour identifier sa nouvelle réincarnation, et communiqua secrètement au dalaï lama les résultats de sa sélection, dont le jeune Gendhun, âgé de 6 ans. En 1995, le dalaï lama reconnut officiellement l’enfant comme le XIe panchen lama. Peu après, Chadrel Rinpoché était emprisonné et l’enfant porté disparu ainsi que ses proches. En 1996, après enquête de l’ONU, les autorités chinoises déclaraient retenir le panchen lama dans un lieu tenu secret « pour sa sécurité ». A ce jour, aucune information n’a filtré sur le sort du « plus jeune prisonnier politique du monde ».
Gyaincain Norbu, panchen lama officiel choisi en 1995 par le gouvernement chinois pour remplacer Gendhun, fait aujourd’hui ses premières apparitions et interventions, appelant régulièrement les Tibétains à soutenir le Parti Communiste chinois. En mars 2009, Pékin a déclaré officiellement que le prochain dalaï lama devra recevoir l’aval du gouvernement pour être reconnu.
(2) Tenzin Gyatso, XIVe dalaï lama a fui le Tibet en 1959 après l’insurrection manquée et réprimée dans le sang des Tibétains contre les troupes chinoises qui occupait le pays depuis 1950.
(3) NPR TV, 22 février 2010; AFP, 22 fevrier 2010; Buddhachananel TV, 23 février 2010; tibet-info, 15 décembre 2007.
Mercredi 24 février 2010, Eglises d'Asie - Lundi 22 février, lors d’une interview accordée à la NPR (National Public Radio) à Los Angeles, le dalaï lama a déclaré qu’il ne voyait « aucun problème » à mettre fin à sa fonction si les Tibétains le souhaitaient.
Tenzin Gyatso, XIVe dalaï lama, qui effectue en ce moment un voyage aux Etats-Unis particulièrement peu apprécié par la Chine, laquelle menace de sanctions Washington, a été interviewé le 22 février dernier par Renee Montagne, sur la principale radio publique américaine NPR, après sa rencontre très médiatisée le 19 février, avec le président Barack Obama à la Maison Blanche.
Après avoir évoqué différents thèmes, comme son combat pour les droits de l’homme et la paix interreligieuse ou encore son choix de la non-violence et d’une « voie moyenne » dans les pourparlers avec Pékin au sujet d’une autonomie du Tibet, le dalaï lama a créé la surprise en déclarant qu’il était prêt à mettre fin à l’institution qu’il représentait et qui existe depuis le XIVe siècle, si les Tibétains préféraient cette solution à un successeur qui serait choisi par le gouvernement chinois. « C’est en fin de compte, je l’ai toujours dit, aux gens de décider si cette institution doit perdurer ou non », a-t-il déclaré. « Si une majorité de Tibétains a le sentiment que l’institution du dalaï lama n’a plus de sens, alors cette institution doit cesser d’exister, il n’y a aucun problème ».
En 1995, Pékin avait refusé le candidat que le chef spirituel tibétain avait désigné comme étant la réincarnation du panchen lama, dont le rôle est décisionnaire pour la reconnaissance des réincarnations du dalaï lama. Le jeune garçon, Gendhun, avait alors disparu mystérieusement pour être remplacé par un candidat choisi par le gouvernement communiste chinois. Ce dernier, Gyaincain Norbu est présenté aujourd’hui comme le panchen lama officiel par Pékin, bien qu’il soit toujours refusé par la communauté tibétaine. Il a fait récemment ses premières apparitions en public, confirmant ainsi les craintes du dalaï lama concernant les intentions de la Chine d’imposer le choix de son successeur (1).
Le choix d’un nouveau dalaï lama répond à des règles précises: la nouvelle réincarnation du chef spirituel doit être recherchée après la mort de celui-ci, par le panchen lama ainsi que par quelques responsables religieux habilités. L’actuel dalaï lama, Tenzin Gyatso, avait été désigné à l’âge de 4 ans, après avoir notamment « reconnu » des objets ayant appartenus au précédent dalaï lama, un élément indispensable dans le processus d’identification des tulku (maîtres spirituels réincarnés) du bouddhisme tantrique.
Agé de près de 75 ans aujourd’hui, Tenzin Gyatso vit en exil en Inde depuis 1959, date de sa fuite du Tibet (2). Ces dernières années, il s’est beaucoup exprimé au sujet de sa succession, pour laquelle il a envisagé plusieurs scénarios possibles. Parmi eux, le dalaï lama a évoqué à plusieurs reprises la possibilité, peu fréquente mais prévue par la tradition bouddhique tibétaine, qu’un lama « hautement réalisé » puisse choisir la date et le lieu de sa renaissance, ce qui signifie qu’il pourrait reconnaître sa future réincarnation de son vivant (madhé tulku).
Cette alternative pourrait bien être la plus apte à contrer les projets de Pékin, et ce d’autant plus que le chef spirituel bouddhiste a également souligné que l’institution du dalaï lama n’existant que pour servir le peuple et le bouddhisme tibétain, les modalités des réincarnations s’adaptaient aux circonstances et à l’histoire du Tibet. Il serait donc logique, avait-il expliqué, qu’il se réincarne en dehors du Tibet, dans un pays libre, et que sa nouvelle renaissance marque un changement dans la lignée des dalaï lama, en étant peut-être même, une fille (3).
(1) Le panchen lama est le deuxième chef spirituel du bouddhisme tibétain gélupa (‘école des bonnets jaunes’ à laquelle appartient le dalaï lama, lui-même au sommet de la hiérarchie). Le panchen lama et le dalaï lama participent à la reconnaissance des réincarnations l’un de l’autre.
Lors du décès du 10e panchen lama en 1989 au Tibet, Chadrel Rinpoché, responsable de la lamasserie entama les recherches pour identifier sa nouvelle réincarnation, et communiqua secrètement au dalaï lama les résultats de sa sélection, dont le jeune Gendhun, âgé de 6 ans. En 1995, le dalaï lama reconnut officiellement l’enfant comme le XIe panchen lama. Peu après, Chadrel Rinpoché était emprisonné et l’enfant porté disparu ainsi que ses proches. En 1996, après enquête de l’ONU, les autorités chinoises déclaraient retenir le panchen lama dans un lieu tenu secret « pour sa sécurité ». A ce jour, aucune information n’a filtré sur le sort du « plus jeune prisonnier politique du monde ».
Gyaincain Norbu, panchen lama officiel choisi en 1995 par le gouvernement chinois pour remplacer Gendhun, fait aujourd’hui ses premières apparitions et interventions, appelant régulièrement les Tibétains à soutenir le Parti Communiste chinois. En mars 2009, Pékin a déclaré officiellement que le prochain dalaï lama devra recevoir l’aval du gouvernement pour être reconnu.
(2) Tenzin Gyatso, XIVe dalaï lama a fui le Tibet en 1959 après l’insurrection manquée et réprimée dans le sang des Tibétains contre les troupes chinoises qui occupait le pays depuis 1950.
(3) NPR TV, 22 février 2010; AFP, 22 fevrier 2010; Buddhachananel TV, 23 février 2010; tibet-info, 15 décembre 2007.