Jamais commémoration interdite n’aura été plus suivie. A l’occasion du 25e anniversaire du massacre de la place de Tiananmen, des milliers de militants pour la démocratie se sont rassemblés à Hongkong mercredi 4 juin, pour la veillée aux flambeaux traditionnelle en mémoire des victimes.
Mais cette année, malgré les tentatives de Pékin pour empêcher toute évocation des événements de juin 1989, plus de 180 000 personnes s'étaient réunies hier soir, bougie à la main, dans le Parc Victoria de Hongkong, formant le plus vaste hommage jamais rendu aux victimes de la répression du 'printemps de Pékin'.
De nombreux Chinois étaient discrètement venus du continent pour la manifestation, tandis qu’à Pékin la place Tiananmen faisait l’objet d’une intense surveillance policière et toute agitation suspecte immédiatement signalée et maîtrisée. Il y a plusieurs semaines déjà que des unités de policiers et de militaires ont été déployées autour de la capitale, où le dispositif appliqué chaque année à l’approche de la date anniversaire du massacre du 4 juin a encore été renforcé.
Depuis 25 ans, la censure chinoise n’a eu de cesse d’effacer toute trace des événements de 1989, qu’il s’agisse des témoins directs (aujourd’hui pour la plupart emprisonnés ou exilés à l’étranger), des archives audiovisuelles, écrites ou photographiques, comme des traces numériques sur les réseaux sociaux et le Web. Toute tentative effectuée avec les moteurs de recherche chinois sur Internet pour entrer les mots « Tiananmen », « 4 juin » ou simplement « démocratie », se solde désormais par un accès refusé ou une page vierge.
Des centaines de militants, avocats et autres dissidents présumés ont été arrêtés et emprisonnés « de manière préventive » depuis mars dernier, toujours en raison « d’activités suspectes » liées à la commémoration interdite du 4 juin. Parmi eux se trouve Bao Tong, 81 ans, l'un des rares hauts fonctionnaires du Parti qui s'était opposé à la répression de 1989.
« Je suis venu spécialement à Hongkong pour participer à cette veillée, témoigne Huang Waicheng, qui arrive de Shenzhen. En Chine continentale, non seulement nous ne pouvons pas exprimer notre opinion en raison du manque de liberté, mais il y a bien trop peu de personnes qui savent ce qui s’est passé [à Tiananmen]. »
Revenue dans le giron de la Chine en 1997, Hongkong jouit d’un statut particulier qui lui permet d’être régulièrement le théâtre de protestations contre le régime de Pékin. Illustrant cette liberté d’expression qui n’a pas cours sur le continent, les députés du Parlement hongkongais favorables au mouvement pour la démocratie étaient mercredi entièrement vêtus de noir, et ont observé une minute de silence en hommage aux victimes du 'Printemps de Pékin'.
Durant la veillée au Parc Victoria, les noms des morts de Tiananmen (1) ont été lus dans un silence recueilli, tandis que défilaient sur des écrans géants les images de la répression de 1989 ainsi que des témoignages vidéo de dissidents en exil. « Puisse [le président] Xi Jinping voir la lumière de toutes ces bougies ! », a lancé à la foule Lee Cheuk-Yan, principal organisateur de la manifestation, tandis que les participants scandaient « Justice pour le 4 juin ! ».
Le cardinal Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong, aujourd’hui âgé de 82 ans, a avoué douter de voir de son vivant la reconnaissance du massacre de Tiananmen par le gouvernement chinois. « Les meurtriers n’ont toujours pas demandé pardon pour leur crime, ni même admis l’avoir commis », a-t-il regretté lors de son allocution durant la prière qui a précédé la veillée.
Pour la première fois participait également à l’événement, Me Teng Biao, avocat spécialiste des droits de l’homme et dissident « sous surveillance » du gouvernement , qui a tenu à venir témoigner malgré les pressions et menaces récurrentes qu’il a subies ces derniers mois de la part des autorités afin de le dissuader de se rendre à Hongkong.
A Tapei, capitale de Taiwan, des dissidents chinois en exil ainsi que des témoins de la répression se sont adressés à une foule de plus de 500 personnes. Parmi eux, le célèbre dissident Wu'er Kaixi, qui a participé aux manifestations étudiantes de Tiananmen en 1989, a déclaré : « Vingt-cinq ans se sont écoulés et nous n'avons toujours pas réussi [à faire advenir la démocratie en Chine]. Nous avons plus que jamais besoin du soutien de Taiwan parce que la lutte à venir promet d’être encore plus difficile. »
Le président taïwanais lui-même, Ma Ying-jeou, a fait le 4 juin dernier une déclaration officielle dans laquelle il décrit les événements du 4 juin 1989 comme « une profonde blessure de l’Histoire » et appelle Pékin à « réparer ses torts et veiller à ce qu’une telle tragédie ne se reproduise jamais ».
Différents communiqués émanant de la communauté internationale ont également marqué ce jour anniversaire. Les Etats-Unis ont notamment assuré qu’ils continueraient à « presser le gouvernement chinois de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales dus à tous ses citoyens ». Washington a aussi exigé que Pékin reconnaisse publiquement la réalité et le nombre des « morts, emprisonnés ou portés disparus après l’assaut de juin 1989 ».
Le gouvernement chinois a réagi avec colère à la déclaration de la Maison Blanche, accusant Washington « de déformation totale des faits ». Il s’agit d’une « accusation infondée, qui interfère gravement dans les affaires intérieures de la Chine et viole toutes les lois internationales sur la question », a fulminé le porte-parole de ministère des Affaires étrangères, Hong Lei.
Dans une démarche inhabituelle, le Vietnam lui-même s’est joint au concert de protestations internationales en dénonçant pour la première fois la répression du 4 juin 1989. Un changement d’attitude très probablement en lien avec le différend territorial qui l’oppose à Pékin ces dernier mois.
Quant au dalai lama, il a déclaré « prier pour tous ceux qui sont morts pour la liberté, la démocratie et les droits de l’homme [à Tiananmen] », incitant le gouvernement à prendre la voie de la démocratie. « En ce jour anniversaire de ces jeunes martyrs, nous prions pour que les dirigeants chinois d'aujourd'hui quittent leur attitude de peur et de rejet et, ouvrant leur cœur à la détresse des victimes et de leurs familles, se repentent du massacre qui a été perpétré à l’encontre de la jeunesse de Chine », a t-il conclu.
(1) Seuls les noms de 202 victimes sont connus. Mais on estime aujourd’hui que s’élève à plus d’un millier de morts le bilan de la répression par l’armée chinoise des étudiants et jeunes manifestant pacifiquement pour la démocratie sur la place Tiananmen à Pékin, le 4 juin 1989.
(Source: Eglises d'Asie, le 5 juin 2014)
Mais cette année, malgré les tentatives de Pékin pour empêcher toute évocation des événements de juin 1989, plus de 180 000 personnes s'étaient réunies hier soir, bougie à la main, dans le Parc Victoria de Hongkong, formant le plus vaste hommage jamais rendu aux victimes de la répression du 'printemps de Pékin'.
De nombreux Chinois étaient discrètement venus du continent pour la manifestation, tandis qu’à Pékin la place Tiananmen faisait l’objet d’une intense surveillance policière et toute agitation suspecte immédiatement signalée et maîtrisée. Il y a plusieurs semaines déjà que des unités de policiers et de militaires ont été déployées autour de la capitale, où le dispositif appliqué chaque année à l’approche de la date anniversaire du massacre du 4 juin a encore été renforcé.
Depuis 25 ans, la censure chinoise n’a eu de cesse d’effacer toute trace des événements de 1989, qu’il s’agisse des témoins directs (aujourd’hui pour la plupart emprisonnés ou exilés à l’étranger), des archives audiovisuelles, écrites ou photographiques, comme des traces numériques sur les réseaux sociaux et le Web. Toute tentative effectuée avec les moteurs de recherche chinois sur Internet pour entrer les mots « Tiananmen », « 4 juin » ou simplement « démocratie », se solde désormais par un accès refusé ou une page vierge.
Des centaines de militants, avocats et autres dissidents présumés ont été arrêtés et emprisonnés « de manière préventive » depuis mars dernier, toujours en raison « d’activités suspectes » liées à la commémoration interdite du 4 juin. Parmi eux se trouve Bao Tong, 81 ans, l'un des rares hauts fonctionnaires du Parti qui s'était opposé à la répression de 1989.
« Je suis venu spécialement à Hongkong pour participer à cette veillée, témoigne Huang Waicheng, qui arrive de Shenzhen. En Chine continentale, non seulement nous ne pouvons pas exprimer notre opinion en raison du manque de liberté, mais il y a bien trop peu de personnes qui savent ce qui s’est passé [à Tiananmen]. »
Revenue dans le giron de la Chine en 1997, Hongkong jouit d’un statut particulier qui lui permet d’être régulièrement le théâtre de protestations contre le régime de Pékin. Illustrant cette liberté d’expression qui n’a pas cours sur le continent, les députés du Parlement hongkongais favorables au mouvement pour la démocratie étaient mercredi entièrement vêtus de noir, et ont observé une minute de silence en hommage aux victimes du 'Printemps de Pékin'.
Durant la veillée au Parc Victoria, les noms des morts de Tiananmen (1) ont été lus dans un silence recueilli, tandis que défilaient sur des écrans géants les images de la répression de 1989 ainsi que des témoignages vidéo de dissidents en exil. « Puisse [le président] Xi Jinping voir la lumière de toutes ces bougies ! », a lancé à la foule Lee Cheuk-Yan, principal organisateur de la manifestation, tandis que les participants scandaient « Justice pour le 4 juin ! ».
Le cardinal Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong, aujourd’hui âgé de 82 ans, a avoué douter de voir de son vivant la reconnaissance du massacre de Tiananmen par le gouvernement chinois. « Les meurtriers n’ont toujours pas demandé pardon pour leur crime, ni même admis l’avoir commis », a-t-il regretté lors de son allocution durant la prière qui a précédé la veillée.
Pour la première fois participait également à l’événement, Me Teng Biao, avocat spécialiste des droits de l’homme et dissident « sous surveillance » du gouvernement , qui a tenu à venir témoigner malgré les pressions et menaces récurrentes qu’il a subies ces derniers mois de la part des autorités afin de le dissuader de se rendre à Hongkong.
A Tapei, capitale de Taiwan, des dissidents chinois en exil ainsi que des témoins de la répression se sont adressés à une foule de plus de 500 personnes. Parmi eux, le célèbre dissident Wu'er Kaixi, qui a participé aux manifestations étudiantes de Tiananmen en 1989, a déclaré : « Vingt-cinq ans se sont écoulés et nous n'avons toujours pas réussi [à faire advenir la démocratie en Chine]. Nous avons plus que jamais besoin du soutien de Taiwan parce que la lutte à venir promet d’être encore plus difficile. »
Le président taïwanais lui-même, Ma Ying-jeou, a fait le 4 juin dernier une déclaration officielle dans laquelle il décrit les événements du 4 juin 1989 comme « une profonde blessure de l’Histoire » et appelle Pékin à « réparer ses torts et veiller à ce qu’une telle tragédie ne se reproduise jamais ».
Différents communiqués émanant de la communauté internationale ont également marqué ce jour anniversaire. Les Etats-Unis ont notamment assuré qu’ils continueraient à « presser le gouvernement chinois de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales dus à tous ses citoyens ». Washington a aussi exigé que Pékin reconnaisse publiquement la réalité et le nombre des « morts, emprisonnés ou portés disparus après l’assaut de juin 1989 ».
Le gouvernement chinois a réagi avec colère à la déclaration de la Maison Blanche, accusant Washington « de déformation totale des faits ». Il s’agit d’une « accusation infondée, qui interfère gravement dans les affaires intérieures de la Chine et viole toutes les lois internationales sur la question », a fulminé le porte-parole de ministère des Affaires étrangères, Hong Lei.
Dans une démarche inhabituelle, le Vietnam lui-même s’est joint au concert de protestations internationales en dénonçant pour la première fois la répression du 4 juin 1989. Un changement d’attitude très probablement en lien avec le différend territorial qui l’oppose à Pékin ces dernier mois.
Quant au dalai lama, il a déclaré « prier pour tous ceux qui sont morts pour la liberté, la démocratie et les droits de l’homme [à Tiananmen] », incitant le gouvernement à prendre la voie de la démocratie. « En ce jour anniversaire de ces jeunes martyrs, nous prions pour que les dirigeants chinois d'aujourd'hui quittent leur attitude de peur et de rejet et, ouvrant leur cœur à la détresse des victimes et de leurs familles, se repentent du massacre qui a été perpétré à l’encontre de la jeunesse de Chine », a t-il conclu.
(1) Seuls les noms de 202 victimes sont connus. Mais on estime aujourd’hui que s’élève à plus d’un millier de morts le bilan de la répression par l’armée chinoise des étudiants et jeunes manifestant pacifiquement pour la démocratie sur la place Tiananmen à Pékin, le 4 juin 1989.
(Source: Eglises d'Asie, le 5 juin 2014)