Après le 30 avril 1975, date de la fin de la guerre du Vietnam, Nguyên Huu Câu, ancien capitaine de l’armée du Sud-Vietnam, comme des centaines de milliers d’officiers et hauts fonctionnaires de l’ancien régime, avait été invité à accomplir un séjour dans un camp de « réforme de la pensée par le travail ». Il y resta jusqu’en 1980. En 1982, il fut, à nouveau, arrêté et comparut devant un tribunal pour avoir composé une chanson antigouvernementale et porté des accusations de concussion contre des cadres locaux. Il fut condamné à mort, une condamnation qui sera commuée en « détention à perpétuité » lors d’un procès en appel qui suivit. Il fut placé en détention dans le camp Z30A à Xuân Lôc, dans la province de Dông Nai.
En fait, sa seconde détention aura duré 32 ans. A l’occasion du Nouvel An lunaire, fêté le 31 janvier dernier, sa petite-fille écrivit au chef de l’Etat pour demander la libération de son grand-père. Cette libération, promise d’abord pour le jour de l’an, n’eut lieu qu’une semaine plus tard.
Lors d’une de ses premières sorties d’homme libre, il vint se confier à la communauté des religieux rédemptoristes de la rue Ky Dông, à Saigon. Il les informa que le père jésuite Joseph Nguyên Công Doan, son compagnon de prison, l’avait baptisé en cachette, le jour de Pâques 1986 sous le nom de Jean-Baptiste.
Le dimanche suivant, avec beaucoup d’émotion, il a témoigné, devant les fidèles de Notre-Dame du Perpétuel secours, de son itinéraire spirituel et de sa rencontre avec Dieu. Il a insisté sur le fait que beaucoup d’autres compagnons de prison l’avaient accompagné et l’avaient suivi dans sa démarche. Il a aussi longuement parlé de la transformation intérieure intervenue en lui, une transformation qu’il a pu aussi observer chez ses amis qui ont vécu le même itinéraire que lui. La haine a peu à peu disparu pour faire place à l’amour du prochain. Une paix intérieure durable s’est installée en lui. La prière est devenue pour lui comme une seconde nature. Il a raconté comment dans sa cellule, il se servait des chaînes attachées à ses chevilles comme d’un chapelet pour réciter le rosaire.
Durant ce témoignage, l’émotion a gagné l’assistance, bouleversée de voir cet homme, condamné à mort, sortant de plus de 37 années de prison, s’exprimer sans la moindre marque d’agressivité, sans peur, sans préjugés, paisiblement.
Le P. Joseph Nguyên Công Doan, son compagnon de prison et son initiateur à la vie chrétienne, dans un texte envoyé depuis Jérusalem où il dirige aujourd’hui l’Institut biblique pontifical, a évoqué l’époque où il piochait la terre en compagnie de Câu autour du camp d’internement (2). Il a souligné l’importance du rosaire dans la catéchèse de son ami. Il écrit : « En prison, il n’y avait pas de bible, ni d’autres livres. Le rosaire et la croix, c’était notre Evangile (…). Un livre dont on était sûr qu’il ne serait pas confisqué par les gardiens (…). » (eda/jm)
(1) Voir VRNs, le 30 mars 2014.
(2) Voir Công Giao Viet Nam.
(Source: Eglises d'Asie, le 4 avril 2014)