Samedi 20 novembre, à neuf heures du matin, le P. Joseph Guo Jincai a été ordonné évêque du diocèse de Chengde, dans la province du Hebei. L’ordination, publiquement désapprouvée par le Saint-Siège le 18 novembre (1), a réuni une maigre assemblée de fidèles dans l’église rurale de Pingquan. Ces derniers n’étaient guère qu’une centaine, entourés au sein même de l’édifice religieux par des dizaines de fonctionnaires du gouvernement,. ..
... les environs de l’église étant quadrillés par une centaine de policiers en civil et en uniforme. Selon les témoignages recueillis auprès des paroissiens de Pingquan, tout appareil de prise de vue était interdit dans l’église et les relais des signaux de téléphonie mobile avaient été désactivés.
Un tel déploiement de force policière s’explique par le caractère sensible de l’ordination à l’épiscopat du P. Guo Jincai. Depuis le début de cette année, dix ordinations épiscopales ont eu lieu en Chine continentale et chacune d’entre elles a concerné un évêque « officiel » qui était à la fois reconnu par Rome et approuvé par les autorités chinoises. Dans le cas du P. Guo, qui est le secrétaire général adjoint de l’Association patriotique des catholiques et que Pékin voulait de toute évidence voir devenir évêque, le Saint-Siège avait clairement indiqué que le jeune prêtre n’avait « pas reçu l’approbation du Saint-Père pour être ordonné évêque de l’Eglise catholique ».
A propos des évêques consécrateurs, des informations avaient filtré dans les jours précédant l’ordination, selon lesquelles ces derniers avaient été soumis à de très fortes pressions de la part des autorités (2). Des catholiques présents à Pingquan ont indiqué que huit évêques étaient finalement présents à la messe d’ordination. La cérémonie s’est déroulée sans incident et les évêques avaient « l’air grave », a rapporté un témoin. L’évêque consécrateur était Mgr Peter Fang Jiangping, évêque auxiliaire de Tangshan, diocèse voisin de celui de Chengde, et il était assisté de Mgr Zhao Fengchang, de Liaocheng, et de Mgr Li Shan, l’évêque de Pékin. Cinq autres évêques étaient présents et ont imposé les mains au nouvel évêque: Mgr Pei Junmin, de Shenyang, Mgr Meng Qinglu, de Hohhot, Mgr Feng Xinmao, de Hengshui (Jingxian), Mgr Li Liangui, de Cangzhou (Xianxian), et Mgr An Shuxin, évêque auxiliaire de Baoding. Tous sont des évêques « officiels » reconnus par Rome.
Selon des sources citées par l’agence Ucanews (3), au moins un autre évêque aurait dû être présent à la messe d’ordination de Pingquan: il s’agit de Mgr John Liu Jinghe, évêque « officiel » émérite du diocèse de Tangshan mais que les autorités chinoises considèrent toujours comme l’ordinaire de ce diocèse du Hebei. Autrefois réputé proche de l’Association patriotique, cet évêque, qui avait figuré au nombre des évêques qui avaient accepté, à l’Epiphanie 2000, de consacrer à l’épiscopat cinq évêques illicites – car non approuvés par le Saint-Père – (4), a cette fois-ci refusé de céder aux pressions des autorités. Selon ces sources, les autorités chinoises l’ont sanctionné en lui retirant – action inédite – son titre d’évêque de Tangshan.
Les réactions en Chine à cette ordination illicite – la première depuis celles menées en 2000 et en 2006 – ont été nombreuses. Les autorités chinoises ont interdit aux sites Internet catholiques de faire mention de la nouvelle, mais la blogosphère n’est pas restée inactive. Il semble que les discussions y soient passionnées, que ce soit pour condamner l’attitude de Pékin ou questionner la responsabilité des évêques qui étaient présents à Pingquan. De son côté, Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois et véritable homme fort chargé d’appliquer la politique de Pékin sur les catholiques « officiels », s’est contenté de déclarer aux agences de presse internationales que l’ordination avait bien eu lieu et en a rejeté la responsabilité sur le Saint-Siège: « Le Vatican a été informé il y a deux ans de la question d’ordonner évêque le P. Guo Jincai mais il n’a pas répondu » (5).
En dehors de Chine, la réaction la plus forte est venue de Rome, non pas du Saint-Siège mais du cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque émérite du diocèse de Hongkong. Présent dans la Ville éternelle pour le consistoire convoqué par le pape Benoît XVI et consacré notamment à la liberté religieuse, le cardinal Zen a déploré que « ce qui n’aurait jamais dû se produire s’est à nouveau produit: à nouveau, une ordination épiscopale a été menée en Chine sans mandat pontifical et avec la participation de huit évêques ».
Tout en rejetant la responsabilité de cette ordination sur le vice-président de l’Association patriotique (« C’est lui le patron ! »), le cardinal Zen s’est ouvertement interrogé sur la nécessité d’envisager des sanctions canoniques pour les évêques qui acceptent, fut-ce sous la contrainte, de prendre part à de telles cérémonies d’ordination. On se souvient qu’en 2000 et en 2006, le Saint-Siège avait fait état de la possibilité d’une sanction canonique, à savoir l’excommunication latae sententiae, l’excommunication de fait, pour les prêtres ou les évêques qui portent un geste contraire à la communion ecclésiale. Dans son communiqué du 18 novembre dernier, le Saint-Siège n’a pas rappelé que de telles sanctions étaient envisageables.
Pour le cardinal Zen, le fait que le Vatican n’ait pas rappelé la possibilité d’une excommunication latae sententiae ressort d’un excès de « compassion ». Son avis est tranché. « Quel autre crime [les consécrateurs qui ordonnent des évêques illicites] ne seraient-ils pas prêts à commettre pour ‘le bien de l’Eglise’ ? », interroge-t-il sans détour, tout en se refusant à une condamnation hâtive tant que les personnes en question n’ont pas pu s’expliquer librement.
Par ailleurs, la veille de l’ordination du P. Guo Jincai, une messe de funérailles a été célébrée à Shijiazhuang, chef-lieu de la province du Hebei. Il s’agissait de l’inhumation de Mgr Paul Jiang Taoran, évêque « officiel » de Shijiazhuang, ordonné sans mandat pontifical en 1989 puis reconnu comme évêque légitime par Benoît XVI en 2008. En toute logique, la messe aurait dû être célébrée par l’ordinaire du lieu, Mgr Julius Jia Zhiguo, évêque « clandestin » du diocèse de Zhengding (Shijiazhuang), mais ce dernier est l’objet d’un étroit contrôle policier et les autorités n’avaient autorisé la présence d’aucun évêque pour cette messe célébrée en la cathédrale de l’Immaculée Conception, à Shijiazhuang (6). Mgr Jiang Taoran a donc été inhumé en l’absence de tout évêque.
(1) Voir dépêche diffusée par Eglises d’Asie le 18 novembre 2010.
(2) Voir dépêche diffusée par Eglises d’Asie le 17 novembre et le 18 novembre 2010
(3) Ucanews, 20 novembre 2010.
(4) Voir EDA 301
(5) Agence France-Presse, 19 et 20 novembre 2010.
(6) A propos de Mgr Jiang Taoran, décédé le 15 novembre 2010, à l’âge de 84 ans, voir la dépêche diffusée par Eglises d’Asie le 15 novembre 2010.
(Source: Eglises d'Asie, 22 novembre 2010)
... les environs de l’église étant quadrillés par une centaine de policiers en civil et en uniforme. Selon les témoignages recueillis auprès des paroissiens de Pingquan, tout appareil de prise de vue était interdit dans l’église et les relais des signaux de téléphonie mobile avaient été désactivés.
Un tel déploiement de force policière s’explique par le caractère sensible de l’ordination à l’épiscopat du P. Guo Jincai. Depuis le début de cette année, dix ordinations épiscopales ont eu lieu en Chine continentale et chacune d’entre elles a concerné un évêque « officiel » qui était à la fois reconnu par Rome et approuvé par les autorités chinoises. Dans le cas du P. Guo, qui est le secrétaire général adjoint de l’Association patriotique des catholiques et que Pékin voulait de toute évidence voir devenir évêque, le Saint-Siège avait clairement indiqué que le jeune prêtre n’avait « pas reçu l’approbation du Saint-Père pour être ordonné évêque de l’Eglise catholique ».
A propos des évêques consécrateurs, des informations avaient filtré dans les jours précédant l’ordination, selon lesquelles ces derniers avaient été soumis à de très fortes pressions de la part des autorités (2). Des catholiques présents à Pingquan ont indiqué que huit évêques étaient finalement présents à la messe d’ordination. La cérémonie s’est déroulée sans incident et les évêques avaient « l’air grave », a rapporté un témoin. L’évêque consécrateur était Mgr Peter Fang Jiangping, évêque auxiliaire de Tangshan, diocèse voisin de celui de Chengde, et il était assisté de Mgr Zhao Fengchang, de Liaocheng, et de Mgr Li Shan, l’évêque de Pékin. Cinq autres évêques étaient présents et ont imposé les mains au nouvel évêque: Mgr Pei Junmin, de Shenyang, Mgr Meng Qinglu, de Hohhot, Mgr Feng Xinmao, de Hengshui (Jingxian), Mgr Li Liangui, de Cangzhou (Xianxian), et Mgr An Shuxin, évêque auxiliaire de Baoding. Tous sont des évêques « officiels » reconnus par Rome.
Selon des sources citées par l’agence Ucanews (3), au moins un autre évêque aurait dû être présent à la messe d’ordination de Pingquan: il s’agit de Mgr John Liu Jinghe, évêque « officiel » émérite du diocèse de Tangshan mais que les autorités chinoises considèrent toujours comme l’ordinaire de ce diocèse du Hebei. Autrefois réputé proche de l’Association patriotique, cet évêque, qui avait figuré au nombre des évêques qui avaient accepté, à l’Epiphanie 2000, de consacrer à l’épiscopat cinq évêques illicites – car non approuvés par le Saint-Père – (4), a cette fois-ci refusé de céder aux pressions des autorités. Selon ces sources, les autorités chinoises l’ont sanctionné en lui retirant – action inédite – son titre d’évêque de Tangshan.
Les réactions en Chine à cette ordination illicite – la première depuis celles menées en 2000 et en 2006 – ont été nombreuses. Les autorités chinoises ont interdit aux sites Internet catholiques de faire mention de la nouvelle, mais la blogosphère n’est pas restée inactive. Il semble que les discussions y soient passionnées, que ce soit pour condamner l’attitude de Pékin ou questionner la responsabilité des évêques qui étaient présents à Pingquan. De son côté, Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique des catholiques chinois et véritable homme fort chargé d’appliquer la politique de Pékin sur les catholiques « officiels », s’est contenté de déclarer aux agences de presse internationales que l’ordination avait bien eu lieu et en a rejeté la responsabilité sur le Saint-Siège: « Le Vatican a été informé il y a deux ans de la question d’ordonner évêque le P. Guo Jincai mais il n’a pas répondu » (5).
En dehors de Chine, la réaction la plus forte est venue de Rome, non pas du Saint-Siège mais du cardinal Joseph Zen Ze-kiun, évêque émérite du diocèse de Hongkong. Présent dans la Ville éternelle pour le consistoire convoqué par le pape Benoît XVI et consacré notamment à la liberté religieuse, le cardinal Zen a déploré que « ce qui n’aurait jamais dû se produire s’est à nouveau produit: à nouveau, une ordination épiscopale a été menée en Chine sans mandat pontifical et avec la participation de huit évêques ».
Tout en rejetant la responsabilité de cette ordination sur le vice-président de l’Association patriotique (« C’est lui le patron ! »), le cardinal Zen s’est ouvertement interrogé sur la nécessité d’envisager des sanctions canoniques pour les évêques qui acceptent, fut-ce sous la contrainte, de prendre part à de telles cérémonies d’ordination. On se souvient qu’en 2000 et en 2006, le Saint-Siège avait fait état de la possibilité d’une sanction canonique, à savoir l’excommunication latae sententiae, l’excommunication de fait, pour les prêtres ou les évêques qui portent un geste contraire à la communion ecclésiale. Dans son communiqué du 18 novembre dernier, le Saint-Siège n’a pas rappelé que de telles sanctions étaient envisageables.
Pour le cardinal Zen, le fait que le Vatican n’ait pas rappelé la possibilité d’une excommunication latae sententiae ressort d’un excès de « compassion ». Son avis est tranché. « Quel autre crime [les consécrateurs qui ordonnent des évêques illicites] ne seraient-ils pas prêts à commettre pour ‘le bien de l’Eglise’ ? », interroge-t-il sans détour, tout en se refusant à une condamnation hâtive tant que les personnes en question n’ont pas pu s’expliquer librement.
Par ailleurs, la veille de l’ordination du P. Guo Jincai, une messe de funérailles a été célébrée à Shijiazhuang, chef-lieu de la province du Hebei. Il s’agissait de l’inhumation de Mgr Paul Jiang Taoran, évêque « officiel » de Shijiazhuang, ordonné sans mandat pontifical en 1989 puis reconnu comme évêque légitime par Benoît XVI en 2008. En toute logique, la messe aurait dû être célébrée par l’ordinaire du lieu, Mgr Julius Jia Zhiguo, évêque « clandestin » du diocèse de Zhengding (Shijiazhuang), mais ce dernier est l’objet d’un étroit contrôle policier et les autorités n’avaient autorisé la présence d’aucun évêque pour cette messe célébrée en la cathédrale de l’Immaculée Conception, à Shijiazhuang (6). Mgr Jiang Taoran a donc été inhumé en l’absence de tout évêque.
(1) Voir dépêche diffusée par Eglises d’Asie le 18 novembre 2010.
(2) Voir dépêche diffusée par Eglises d’Asie le 17 novembre et le 18 novembre 2010
(3) Ucanews, 20 novembre 2010.
(4) Voir EDA 301
(5) Agence France-Presse, 19 et 20 novembre 2010.
(6) A propos de Mgr Jiang Taoran, décédé le 15 novembre 2010, à l’âge de 84 ans, voir la dépêche diffusée par Eglises d’Asie le 15 novembre 2010.
(Source: Eglises d'Asie, 22 novembre 2010)