L’agence officielle chinoise Xinhua (‘Chine Nouvelle’) a annoncé, le 30 mars, que le Tibet s’ouvrait à nouveau au tourisme, après plus de six semaines de fermeture totale de la région. Afin d’éviter de nouvelles émeutes pendant la période critique du mois de mars marquant le 50e anniversaire du soulèvement tibétain de 1959 (1), Pékin avait dépêché sur place, dès fin février, des milliers de militaires et de policiers. Une loi martiale de fait avait été instaurée, fermant hermétiquement aux étrangers le Tibet et les régions avoisinantes de peuplement tibétain.
L’autorisation, qui sera accordée aux touristes avec permission spéciale et hors « zones sensibles », ne s’étend pas aux journalistes, les derniers événements ayant montré que la région n’était pas encore aussi « sécurisée et en paix » que l’a affirmé le 30 mars à Xinhua, Bachung, responsable du tourisme au Tibet. Selon l’Agence France-Presse (2) et différentes sources locales, les agences touristiques et les services hôteliers sur place ne seraient pas en mesure de confirmer la date de réouverture. Les communautés tibétaines en exil font mention d’événements récents: un moine battu à mort par des policiers, des soldats chinois attaqués, l’immolation par le feu d’un moine dans le Sichuan, ou encore un attentat à la bombe qui n’a pas fait de victimes (3).
Le 22 mars dernier, une émeute particulièrement importante a cependant été mentionnée par l’agence Xinhua elle-même: une centaine de moines tibétains, provenant essentiellement de la lamasserie de Rabgya, dans le Qinghai, province à forte population tibétaine, ont été arrêtés après l’attaque d’un poste de police. L’agence rapporte que des fonctionnaires « ont été légèrement blessés ». Selon les informations diffusées par le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala, en Inde (4), l’émeute a opposé 4 000 personnes à des policiers chinois, en réaction au suicide d’un moine tibétain de Ragya, Zhaxi Sangwu (Tashi Sangpo, en tibétain), qui « appelait à l’indépendance du Tibet ». Le jour même, Gyaincain Norbu, le panchen lama désigné par Pékin (5), a appelé le peuple tibétain à soutenir le Parti communiste chinois. Toujours selon Xinhua, il a déclaré: « Tous les moines et les nonnes devraient faire preuve de patriotisme, respecter la loi et les commandements et étudier attentivement l’essence du bouddhisme. »
Le 28 mars se sont tenues à Lhassa, capitale du Tibet, les cérémonies de « libération de l’esclavage », orchestrées par Pékin pour célébrer la victoire des armées chinoises sur le Tibet en rébellion, en présence d’une foule d’environ 10 000 personnes rassemblées devant le Potala, ancienne résidence du dalaï lama, drapeaux rouges à la main.
A cette occasion, Zhang Qingli, secrétaire local du Parti communiste, a déclaré que le Parti avait mené « des réformes démocratiques sans précédent dans l’histoire de la population des hauts plateaux tibétains » (6). La veille, depuis Pékin, le panchen lama, Gyaincain Norbu, avait remercié le Parti communiste de lui avoir « ouvert les yeux sur ce qui est vrai et ce qui est faux » (7). Cette journée de la « libération de l’esclavage » (littéralement ‘Journée d’émancipation des serfs’) a été créée cette année, à la suite des événements de mars 2008, où d’importantes émeutes sévèrement réprimées par le gouvernement chinois alors en pleine préparation des Jeux olympiques avaient provoqué la mort d’une vingtaine de personnes selon Pékin, plus de 200 selon le gouvernement tibétain en exil, ainsi que des milliers d’arrestations.
Le 29 mars 2009, à Dharamsala en Inde, 10 000 personnes, en réplique à la cérémonie de Lhassa, ont manifesté contre « la propagande chinoise » et « cinquante années de servitude et de répression ». Lors de la date anniversaire du soulèvement tibétain manqué du 10 mars 1959, le XIVème dalaï lama, Tenzin Gyatso, s’était exprimé sur « l’enfer vécu sur terre » des Tibétains depuis l’occupation chinoise (8). De nombreuses manifestations à travers le monde avaient souligné le soutien de la communauté internationale à la cause tibétaine.
(1) Le soulèvement de Lhassa contre les troupes chinoises occupant le Tibet depuis 1950 débuta le 10 mars 1959 à l’initiative des fidèles du dalaï lama et fut réprimé, dans un bain de sang, à partir du 28 mars, le dalaï lama choisissant de fuir en exil en Inde.
(2) Agence France-Presse, 30 mars 2009.
(3) sources: tibet-info.net; freetibet.org; tibet.net; tibetan.fr; buddhistchannel
(4) www.dharamsalanet.com
(5) Le panchen lama est le deuxième chef spirituel du bouddhisme tibétain gelupa (‘école des bonnets jaunes’ à laquelle appartient le dalaï lama, lui-même au sommet de la hiérarchie). Le panchen lama et le dalaï lama participent à la reconnaissance des réincarnations l’un de l’autre.
Lors du décès du Xème panchen lama en 1989 au Tibet, Chadrel Rinpoché, responsable de la lamasserie du panchen lama, entama les recherches pour identifier la nouvelle réincarnation de celui-ci, et communiqua secrètement au dalaï lama les résultats de sa sélection, dont le jeune Gendhun, âgé de 6 ans. En 1995, le dalaï lama reconnut officiellement l’enfant comme le XIème panchen lama. Quelques jours plus tard plus tard, Chadrel Rinpoché était emprisonné et l’enfant porté disparu ainsi que ses proches. En 1996, après enquête de l’ONU, les autorités chinoises déclaraient retenir le panchen lama dans un lieu tenu secret « pour sa sécurité ». A ce jour, aucune information n’a filtré sur le sort du « plus jeune prisonnier politique du monde ».
Gyaincain Norbu est le panchen lama officiel, choisi en 1995 par le gouvernement chinois pour remplacer Gendhun. « En formation » à Pékin, sous étroite surveillance des autorités, il sera très certainement amené à jouer un rôle déterminant après la disparition de l’actuel dalaï lama.
(6) Reuters, 28 mars 2009.
(7) AsiaNews, 29 mars 2009.
(8) « [Les répressions par la Chine] ont jeté les Tibétains dans de profondes souffrances et dans la misère, en leur faisant vivre l’enfer sur terre. Le premier résultat de ces répressions a été la mort de centaines de milliers de Tibétains (…). Aujourd’hui encore, les Tibétains vivent dans la terreur (…). Leur religion, leur culture, leur langue, leur identité sont en voie d’extinction. » Discours du dalaï lama, 10 mars 2009, Dharamsala.
(Source: Eglises d'Asie, 31 mars 2009)
L’autorisation, qui sera accordée aux touristes avec permission spéciale et hors « zones sensibles », ne s’étend pas aux journalistes, les derniers événements ayant montré que la région n’était pas encore aussi « sécurisée et en paix » que l’a affirmé le 30 mars à Xinhua, Bachung, responsable du tourisme au Tibet. Selon l’Agence France-Presse (2) et différentes sources locales, les agences touristiques et les services hôteliers sur place ne seraient pas en mesure de confirmer la date de réouverture. Les communautés tibétaines en exil font mention d’événements récents: un moine battu à mort par des policiers, des soldats chinois attaqués, l’immolation par le feu d’un moine dans le Sichuan, ou encore un attentat à la bombe qui n’a pas fait de victimes (3).
Le 22 mars dernier, une émeute particulièrement importante a cependant été mentionnée par l’agence Xinhua elle-même: une centaine de moines tibétains, provenant essentiellement de la lamasserie de Rabgya, dans le Qinghai, province à forte population tibétaine, ont été arrêtés après l’attaque d’un poste de police. L’agence rapporte que des fonctionnaires « ont été légèrement blessés ». Selon les informations diffusées par le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala, en Inde (4), l’émeute a opposé 4 000 personnes à des policiers chinois, en réaction au suicide d’un moine tibétain de Ragya, Zhaxi Sangwu (Tashi Sangpo, en tibétain), qui « appelait à l’indépendance du Tibet ». Le jour même, Gyaincain Norbu, le panchen lama désigné par Pékin (5), a appelé le peuple tibétain à soutenir le Parti communiste chinois. Toujours selon Xinhua, il a déclaré: « Tous les moines et les nonnes devraient faire preuve de patriotisme, respecter la loi et les commandements et étudier attentivement l’essence du bouddhisme. »
Le 28 mars se sont tenues à Lhassa, capitale du Tibet, les cérémonies de « libération de l’esclavage », orchestrées par Pékin pour célébrer la victoire des armées chinoises sur le Tibet en rébellion, en présence d’une foule d’environ 10 000 personnes rassemblées devant le Potala, ancienne résidence du dalaï lama, drapeaux rouges à la main.
A cette occasion, Zhang Qingli, secrétaire local du Parti communiste, a déclaré que le Parti avait mené « des réformes démocratiques sans précédent dans l’histoire de la population des hauts plateaux tibétains » (6). La veille, depuis Pékin, le panchen lama, Gyaincain Norbu, avait remercié le Parti communiste de lui avoir « ouvert les yeux sur ce qui est vrai et ce qui est faux » (7). Cette journée de la « libération de l’esclavage » (littéralement ‘Journée d’émancipation des serfs’) a été créée cette année, à la suite des événements de mars 2008, où d’importantes émeutes sévèrement réprimées par le gouvernement chinois alors en pleine préparation des Jeux olympiques avaient provoqué la mort d’une vingtaine de personnes selon Pékin, plus de 200 selon le gouvernement tibétain en exil, ainsi que des milliers d’arrestations.
Le 29 mars 2009, à Dharamsala en Inde, 10 000 personnes, en réplique à la cérémonie de Lhassa, ont manifesté contre « la propagande chinoise » et « cinquante années de servitude et de répression ». Lors de la date anniversaire du soulèvement tibétain manqué du 10 mars 1959, le XIVème dalaï lama, Tenzin Gyatso, s’était exprimé sur « l’enfer vécu sur terre » des Tibétains depuis l’occupation chinoise (8). De nombreuses manifestations à travers le monde avaient souligné le soutien de la communauté internationale à la cause tibétaine.
(1) Le soulèvement de Lhassa contre les troupes chinoises occupant le Tibet depuis 1950 débuta le 10 mars 1959 à l’initiative des fidèles du dalaï lama et fut réprimé, dans un bain de sang, à partir du 28 mars, le dalaï lama choisissant de fuir en exil en Inde.
(2) Agence France-Presse, 30 mars 2009.
(3) sources: tibet-info.net; freetibet.org; tibet.net; tibetan.fr; buddhistchannel
(4) www.dharamsalanet.com
(5) Le panchen lama est le deuxième chef spirituel du bouddhisme tibétain gelupa (‘école des bonnets jaunes’ à laquelle appartient le dalaï lama, lui-même au sommet de la hiérarchie). Le panchen lama et le dalaï lama participent à la reconnaissance des réincarnations l’un de l’autre.
Lors du décès du Xème panchen lama en 1989 au Tibet, Chadrel Rinpoché, responsable de la lamasserie du panchen lama, entama les recherches pour identifier la nouvelle réincarnation de celui-ci, et communiqua secrètement au dalaï lama les résultats de sa sélection, dont le jeune Gendhun, âgé de 6 ans. En 1995, le dalaï lama reconnut officiellement l’enfant comme le XIème panchen lama. Quelques jours plus tard plus tard, Chadrel Rinpoché était emprisonné et l’enfant porté disparu ainsi que ses proches. En 1996, après enquête de l’ONU, les autorités chinoises déclaraient retenir le panchen lama dans un lieu tenu secret « pour sa sécurité ». A ce jour, aucune information n’a filtré sur le sort du « plus jeune prisonnier politique du monde ».
Gyaincain Norbu est le panchen lama officiel, choisi en 1995 par le gouvernement chinois pour remplacer Gendhun. « En formation » à Pékin, sous étroite surveillance des autorités, il sera très certainement amené à jouer un rôle déterminant après la disparition de l’actuel dalaï lama.
(6) Reuters, 28 mars 2009.
(7) AsiaNews, 29 mars 2009.
(8) « [Les répressions par la Chine] ont jeté les Tibétains dans de profondes souffrances et dans la misère, en leur faisant vivre l’enfer sur terre. Le premier résultat de ces répressions a été la mort de centaines de milliers de Tibétains (…). Aujourd’hui encore, les Tibétains vivent dans la terreur (…). Leur religion, leur culture, leur langue, leur identité sont en voie d’extinction. » Discours du dalaï lama, 10 mars 2009, Dharamsala.
(Source: Eglises d'Asie, 31 mars 2009)