En Inde, depuis 2012 et le viol en réunion d’une étudiante à New Delhi, qui est morte des suites de ses blessures, les violences faites aux femmes ne semblent pas diminuer. Une prise de conscience s’est fait jour sur la nécessité de faire évoluer les mentalités afin que les femmes ne soient plus considérées comme des proies, prise de conscience à laquelle l’Eglise catholique cherche à contribuer.
Le 4 janvier, la police à Bangalore, capitale du Karnataka, dans le sud du pays, a annoncé l’ouverture d’une enquête suite à des agressions sexuelles commises en réunion contre des femmes le soir du Nouvel An. Dans un premier temps, la police avait refusé d’ouvrir une telle enquête, affirmant que, si elle avait bien reçu « environ 450 appels le soir du réveillon, en particulier après 22 heures, aucun ne concernait une femme agressée ». L’apparition d’une vidéo de télésurveillance dans laquelle on voit deux hommes à scooter agresser une jeune femme dans une allée a cependant contraint la police à changer d’attitude, rapporte Reuters.
L’affaire aurait pu rester relativement discrète, Bangalore étant considérée comme une ville plus sûre pour les femmes que la capitale indienne New Delhi, dans la mesure où le niveau d’éducation de la population y est globalement plus élevé. Mais c’est surtout la réaction de personnalités politiques qui a suscité l’indignation. Rapportés par la presse, les propos d’Abu Asim Azmi, personnalité du Samajwadi Party, parti socialiste implanté au Maharashtra, qui a déclaré que ces agressions étaient le résultat des « tenues trop courtes » influencées par la « mode occidentale », a provoqué un tollé. Le ministre de l’Intérieur du Karnataka a déclaré, lui, que « ce genre de chose arrivait ». Le manque de réactivité de la ministre des Droits des femmes et de l’enfance, Maneka Gandhi, a également été dénoncé.
Acquittés « faute de preuves »
La ville de Bangalore a recensé 756 agressions sexuelles en 2016, un chiffre en augmentation par rapport à 2015, qui en avait comptabilisé 714. En dépit d’une législation durcie en 2013 suite à la vive émotion suscitée par le viol et la mort d’une étudiante à New Delhi en 2012, les crimes et délits sexuels sont fréquents en Inde. Plus de 34 000 viols ont été rapportés en 2015, bien que le chiffre réel soit sans doute plus élevé, les femmes hésitant souvent à porter plainte de peur d’être rejetées par la société. Pour tenter de lutter contre ce fléau, l’Etat a rendu obligatoire, à compter de ce 1er janvier 2017, une touche de secours sur tous les smartphones permettant d’appeler rapidement les secours.
Le 3 janvier, une autre information est passée plus inaperçue mais elle est tout autant révélatrice de la difficulté à combattre les violences faites aux femmes en Inde. A Raipur, capitale du Chhattisgarh, un tribunal a acquitté « faute de preuves » les deux jeunes hommes arrêtés après avoir violé une religieuse catholique âgée de 47 ans. Cette dernière, infirmière, avait été agressée dans la nuit du 20 juin 2015 alors qu’elle assurait une permanence dans un petit dispensaire, le Khrist Sahay Kendre (Christ Help Centre), de l’agglomération de Raipur. A l’époque, les responsables chrétiens du Chhattisgarh avait vivement dénoncé une volonté de « s’en prendre à des religieuses chrétiennes pour les violer, les agresseurs cherchant à infliger une humiliation et une douleur maximales à la communauté [chrétienne] ». Le crime intervenait à peine plus de trois mois après qu’une semblable affaire avait eu lieu au Bengale-Occidental (une religieuse catholique septuagénaire avait été victime d’un viol collectif).
L’Eglise au chevet d’une société en évolution rapide
Dans un contexte où les violences faites aux femmes sont une réalité et où l’habit religieux ne constitue pas – ou plus – une protection pour celles qui le portent, l’Eglise catholique cherche à faire évoluer les mentalités. Dans le rapport rédigé par les évêques catholiques indiens de rite latin en vue du Synode sur la famille qui s’est tenu à Rome en octobre 2015, on pouvait lire une analyse des rapides changements culturels que connaît la société indienne et de leurs répercussions sur la famille. Le texte soulignait notamment la prédominance du relativisme dans une société de plus en plus sécularisée et influencée par le matérialisme, l’hypersexualisation véhiculée par les médias et le culte du corps, dans un contexte de révolution numérique où tout paraît possible : diffusion des moyens de contraception, banalisation de la pornographie qui touche les enfants de plus en plus jeunes, augmentation des violences sexuelles envers les femmes et les enfants.
Ce 3 janvier 2017, l’archidiocèse de Bombay (Mumbai) a lancé une étude, menée notamment via un sondage en ligne, pour mieux connaître les personnes qui consultent des publications ou des sites pornographiques. « Ces temps-ci, nous entendons beaucoup de choses au sujet de la pornographie. Les études sur la pornographie et ses effets ne manquent pas à l’étranger, mais rien n’existe à ce sujet en Inde. Nous voulons combler ce manque », explique le P. Cajeton Menezes, directeur du Snehalaya Family Service Centre, un centre d’aide aux familles financé par l’archidiocèse.
Dans le numéro de janvier 2017 de Donne Chiesa Mondo (‘Femmes Eglise Monde’), le supplément féminin de L’Osservatore Romano, le cardinal Oswald Gracia, archevêque de Bombay, s’exprime en ces termes : « J’ai profondément honte de la violence contre les femmes qui traverse l’Inde. Les épisodes sont tellement nombreux, en particulier dans certaines régions du pays. Ce qui est vraiment grave, dans cette situation, c’est le sentiment d’impunité qui accompagne la réception de la chronique de ces horreurs. S’il y a une tentative pour changer les lois et les rendre plus dures, nous devons cependant garder à l’esprit qu’on ne peut pas changer la société uniquement avec des dispositions normatives : la majeure partie des personnes sont convaincues que c’est la faute des femmes qui provoquent les hommes, qu’au fond, ce sont elles les vraies responsables, que les victimes de ces épisodes sont des femmes « mauvaises », coupables par leur comportement. Sous toutes ses formes, la misogynie est minimisée et banalisée. C’est cela qui s’apprend à la maison et dans la société. Et c’est cela qui doit changer.»
Le cardinal de Bombay, qui assume également la présidence de la Conférence des évêques indiens de rite latin, souligne que l’Eglise travaille « sans répit depuis des décennies pour l’émancipation des petites filles et pour améliorer la dignité des femmes, à travers ses apostolats éducatifs, sanitaires et sociaux : c’est seulement quand les enfants, garçons et filles, seront traités de la même façon à la maison que nous serons en mesure de vraiment attaquer le cœur de la misogynie et de la violence. Nous devons travailler tous ensemble, à tous les niveaux ».
« Maintenant, par exemple, précise encore Mgr Gracias, dont les propos ont été traduits en français par l’agence Zenit, nous sommes en train de mettre au point un protocole sur le comportement des personnes qui travaillent dans l’Eglise, dans les paroisses, qu’il s’agisse de religieux ou de laïcs. D’ailleurs, nous avons le modèle des congrégations féminines qui, dans notre pays, font vraiment énormément pour aider les femmes violentées, violées, maintenues dans l’esclavage, appauvries… » (eda/ra)
(Source: Eglises d'Asie, le 5 janvier 2017)
Le 4 janvier, la police à Bangalore, capitale du Karnataka, dans le sud du pays, a annoncé l’ouverture d’une enquête suite à des agressions sexuelles commises en réunion contre des femmes le soir du Nouvel An. Dans un premier temps, la police avait refusé d’ouvrir une telle enquête, affirmant que, si elle avait bien reçu « environ 450 appels le soir du réveillon, en particulier après 22 heures, aucun ne concernait une femme agressée ». L’apparition d’une vidéo de télésurveillance dans laquelle on voit deux hommes à scooter agresser une jeune femme dans une allée a cependant contraint la police à changer d’attitude, rapporte Reuters.
L’affaire aurait pu rester relativement discrète, Bangalore étant considérée comme une ville plus sûre pour les femmes que la capitale indienne New Delhi, dans la mesure où le niveau d’éducation de la population y est globalement plus élevé. Mais c’est surtout la réaction de personnalités politiques qui a suscité l’indignation. Rapportés par la presse, les propos d’Abu Asim Azmi, personnalité du Samajwadi Party, parti socialiste implanté au Maharashtra, qui a déclaré que ces agressions étaient le résultat des « tenues trop courtes » influencées par la « mode occidentale », a provoqué un tollé. Le ministre de l’Intérieur du Karnataka a déclaré, lui, que « ce genre de chose arrivait ». Le manque de réactivité de la ministre des Droits des femmes et de l’enfance, Maneka Gandhi, a également été dénoncé.
Acquittés « faute de preuves »
La ville de Bangalore a recensé 756 agressions sexuelles en 2016, un chiffre en augmentation par rapport à 2015, qui en avait comptabilisé 714. En dépit d’une législation durcie en 2013 suite à la vive émotion suscitée par le viol et la mort d’une étudiante à New Delhi en 2012, les crimes et délits sexuels sont fréquents en Inde. Plus de 34 000 viols ont été rapportés en 2015, bien que le chiffre réel soit sans doute plus élevé, les femmes hésitant souvent à porter plainte de peur d’être rejetées par la société. Pour tenter de lutter contre ce fléau, l’Etat a rendu obligatoire, à compter de ce 1er janvier 2017, une touche de secours sur tous les smartphones permettant d’appeler rapidement les secours.
Le 3 janvier, une autre information est passée plus inaperçue mais elle est tout autant révélatrice de la difficulté à combattre les violences faites aux femmes en Inde. A Raipur, capitale du Chhattisgarh, un tribunal a acquitté « faute de preuves » les deux jeunes hommes arrêtés après avoir violé une religieuse catholique âgée de 47 ans. Cette dernière, infirmière, avait été agressée dans la nuit du 20 juin 2015 alors qu’elle assurait une permanence dans un petit dispensaire, le Khrist Sahay Kendre (Christ Help Centre), de l’agglomération de Raipur. A l’époque, les responsables chrétiens du Chhattisgarh avait vivement dénoncé une volonté de « s’en prendre à des religieuses chrétiennes pour les violer, les agresseurs cherchant à infliger une humiliation et une douleur maximales à la communauté [chrétienne] ». Le crime intervenait à peine plus de trois mois après qu’une semblable affaire avait eu lieu au Bengale-Occidental (une religieuse catholique septuagénaire avait été victime d’un viol collectif).
L’Eglise au chevet d’une société en évolution rapide
Dans un contexte où les violences faites aux femmes sont une réalité et où l’habit religieux ne constitue pas – ou plus – une protection pour celles qui le portent, l’Eglise catholique cherche à faire évoluer les mentalités. Dans le rapport rédigé par les évêques catholiques indiens de rite latin en vue du Synode sur la famille qui s’est tenu à Rome en octobre 2015, on pouvait lire une analyse des rapides changements culturels que connaît la société indienne et de leurs répercussions sur la famille. Le texte soulignait notamment la prédominance du relativisme dans une société de plus en plus sécularisée et influencée par le matérialisme, l’hypersexualisation véhiculée par les médias et le culte du corps, dans un contexte de révolution numérique où tout paraît possible : diffusion des moyens de contraception, banalisation de la pornographie qui touche les enfants de plus en plus jeunes, augmentation des violences sexuelles envers les femmes et les enfants.
Ce 3 janvier 2017, l’archidiocèse de Bombay (Mumbai) a lancé une étude, menée notamment via un sondage en ligne, pour mieux connaître les personnes qui consultent des publications ou des sites pornographiques. « Ces temps-ci, nous entendons beaucoup de choses au sujet de la pornographie. Les études sur la pornographie et ses effets ne manquent pas à l’étranger, mais rien n’existe à ce sujet en Inde. Nous voulons combler ce manque », explique le P. Cajeton Menezes, directeur du Snehalaya Family Service Centre, un centre d’aide aux familles financé par l’archidiocèse.
Dans le numéro de janvier 2017 de Donne Chiesa Mondo (‘Femmes Eglise Monde’), le supplément féminin de L’Osservatore Romano, le cardinal Oswald Gracia, archevêque de Bombay, s’exprime en ces termes : « J’ai profondément honte de la violence contre les femmes qui traverse l’Inde. Les épisodes sont tellement nombreux, en particulier dans certaines régions du pays. Ce qui est vraiment grave, dans cette situation, c’est le sentiment d’impunité qui accompagne la réception de la chronique de ces horreurs. S’il y a une tentative pour changer les lois et les rendre plus dures, nous devons cependant garder à l’esprit qu’on ne peut pas changer la société uniquement avec des dispositions normatives : la majeure partie des personnes sont convaincues que c’est la faute des femmes qui provoquent les hommes, qu’au fond, ce sont elles les vraies responsables, que les victimes de ces épisodes sont des femmes « mauvaises », coupables par leur comportement. Sous toutes ses formes, la misogynie est minimisée et banalisée. C’est cela qui s’apprend à la maison et dans la société. Et c’est cela qui doit changer.»
Le cardinal de Bombay, qui assume également la présidence de la Conférence des évêques indiens de rite latin, souligne que l’Eglise travaille « sans répit depuis des décennies pour l’émancipation des petites filles et pour améliorer la dignité des femmes, à travers ses apostolats éducatifs, sanitaires et sociaux : c’est seulement quand les enfants, garçons et filles, seront traités de la même façon à la maison que nous serons en mesure de vraiment attaquer le cœur de la misogynie et de la violence. Nous devons travailler tous ensemble, à tous les niveaux ».
« Maintenant, par exemple, précise encore Mgr Gracias, dont les propos ont été traduits en français par l’agence Zenit, nous sommes en train de mettre au point un protocole sur le comportement des personnes qui travaillent dans l’Eglise, dans les paroisses, qu’il s’agisse de religieux ou de laïcs. D’ailleurs, nous avons le modèle des congrégations féminines qui, dans notre pays, font vraiment énormément pour aider les femmes violentées, violées, maintenues dans l’esclavage, appauvries… » (eda/ra)
(Source: Eglises d'Asie, le 5 janvier 2017)