08/12/2015 - Selon l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses (ex-Bureau des Affaires religieuses), la Chine va organiser prochainement un important sommet politique sur les religions, le premier du genre depuis une dizaine d’années. Le président chinois Xi Jinping pourrait présider la réunion en personne, avancent divers articles de presse.
Depuis le dernier sommet du Parti consacré à la religion, en 2001, le nombre de Chinois pratiquant une religion a explosé. Mais, si la pratique religieuse et ses manifestations sociales concrètes continuent d’être suivies de très près par le Parti, l’attitude des autorités chinoises à l’égard des religions semble osciller entre instrumentalisation intéressée et méfiance viscérale.
Selon Chen Zhongrong, vice-directeur de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses, le gouvernement travaille en ce moment à réviser les lois encadrant les affaires religieuses en Chine. Le haut responsable de cette administration, qui a rang de ministère dans l’appareil gouvernemental chinois, a livré cette information le 10 novembre dernier à l’occasion d’une rencontre qu’il avait avec des responsables religieux.
Chen Zhongrong a indiqué que le gouvernement central prévoyait de tenir une réunion sur la religion « cette année », peut-on lire par ailleurs sur le site de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses. L’un des objectifs du sommet sera de réfléchir à l’application sur le terrain d'amendements récemment promulgués, a précisé le haut responsable, l’accent étant mis sur la formation « intensive » des responsables religieux locaux.
Les textes actuels régissant les religions ont été promulgués en 2005 – et ils étaient la traduction législative du sommet qui s’était tenu en 2001. Depuis cette date toutefois, le paysage religieux a changé. Selon les chiffres apparus ici et là à la faveur de telle ou telle déclaration de hauts dirigeants chinois, la Chine compterait quelque 100 millions de croyants, dont six millions de catholiques et 23 millions de protestants. Une estimation qui ne prendrait pas en compte les pratiquants des Eglises non enregistrées auprès des autorités. Selon une étude américaine du Pew Research Centre, on compterait 58 millions de protestants et neuf millions de catholiques en 2010, avec une progression d’environ 10 % par an.
Quoi qu’il en soit, les préparatifs de cette conférence au sommet sont manifestement en cours. Depuis le début de cette année, Yu Zhengsheng, membre du Comité permanent du Bureau politique du Parti, la plus haute instance dirigeante du pays, et successeur de Xi Jinping à la tête du Parti communiste de la ville de Shanghai, multiplie les visites auprès des institutions religieuses.
Entre janvier et mars derniers, Yu Zhengsheng s’est ainsi rendu dans les représentations des cinq religions officiellement autorisées (bouddhisme, islam, taoïsme, protestantisme et catholicisme) à Pékin. Il s’est également déplacé à Baoding, préfecture du Hebei connue pour sa forte présence catholique. Il a aussi pris part – c’était une première – à une réunion de la Commission pour les Affaires religieuses de la Conférence consultative politique du peuple chinois, la deuxième Chambre du Parlement chinois.
Rien n’a filtré pour l’heure de la direction que pourrait prendre une éventuelle refonte de la législation en matière religieuse. La seule déclaration de politique générale au sujet des religions remonte au mois de mai dernier, lorsque le président Xi Jinping a, dans un discours au Front uni, insisté sur la « sinisation » des religions en Chine. Devant cette instance dont le rôle est de superviser les relations du Parti communiste avec tous les groupes de la société civile – dont les organisations religieuses – qui ne sont pas le Parti, Xi Jinping n’avait abordé la question religieuse qu’au détour d’un long discours, sans détailler sa pensée quant à un éventuel aggiornamento de la politique religieuse du Parti. Le concept de « sinisation » des religions, qui n’est pas une nouveauté dans la bouche des dirigeants chinois, recouvre l’autonomie des religions par rapport à toute autorité étrangère, et l’adaptation de celles-ci aux valeurs « socialistes » du régime.
Ces derniers mois toutefois, des « séances de travail » ont eu lieu dans la quasi-totalité des provinces du pays avec pour thème : « Sinisation des religions et christianisme ». Dans les provinces du Guizhou et du Shandong notamment, les responsables catholiques « officiels » ont dû y prendre part début novembre, soit quelques jours après le passage à Pékin, du 11 au 16 octobre 2015, d’une délégation vaticane à Pékin.
En mars dernier, le directeur de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses, Wang Zuo’an, avait expliqué qu’il était temps de réviser les règles administratives encadrant les religions, si possible dans le cours de l’année 2015. Interviewé par le Wenweipo, quotidien hongkongais pro-Pékin, Wang Zuo’an citait notamment de nouveaux problèmes dans la gestion des religions, comme les droits de propriété ou l’usage d’Internet par les religieux et les croyants.
Pour l’instant, de nouvelles règlementations religieuses ont surtout été appliquées localement. Ainsi dans le Zhejiang, les églises et temples protestants ont dû démonter les croix qui surplombaient les édifices. Après plus d'un mois sans destruction, la dernière en date a eu lieu à l’église Shizhu, dans la ville de Taizhou, fin novembre.
Les musulmans ouïghours du Xinjiang se sont quant à eux vu imposer une succession de règles au niveau local, ou au niveau de la province, allant de l’interdiction du port de la barbe ou du voile intégral à l’interdiction de la pratique du jeûne du Ramadan pour les fonctionnaires et les étudiants. Les tee-shirts et les drapeaux portant le croissant islamique, assimilés à des symboles indépendantistes en faveur du Turkestan oriental, sont également interdits.
Le bouddhisme tibétain n’est pas épargné. Dans plusieurs articles et éditoriaux, la presse officielle chinoise a insisté sur le droit de regard de Pékin dans le processus de choix de la future réincarnation du dalaï-lama. Le contrôle des temples dans la Région autonome du Tibet et dans les zones tibétaines des provinces limitrophes a lui aussi été renforcé.
A titre de comparaison, on peut citer le cas du voisin de la Chine qu’est le Vietnam. Là aussi, les autorités ont lancé un processus de refonte de la législation concernant les religions. Un projet de « loi sur les croyances et la religion » est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Les évêques catholiques vietnamiens ont fait connaître leur opinion sur ce texte. Elle est sans appel : ce projet de loi, ont affirmé les évêques, ne cherche pas le bonheur du peuple mais ne vise qu’à satisfaire les intérêts des gouvernants ; il tourne le dos à la liberté de croyance et de religion, et suscite davantage d’inquiétudes dans la population qu’il n’apporte de satisfacti (eda/sp)
(Source: Eglises d'Asie, le 8 décembre 2015)
Depuis le dernier sommet du Parti consacré à la religion, en 2001, le nombre de Chinois pratiquant une religion a explosé. Mais, si la pratique religieuse et ses manifestations sociales concrètes continuent d’être suivies de très près par le Parti, l’attitude des autorités chinoises à l’égard des religions semble osciller entre instrumentalisation intéressée et méfiance viscérale.
Selon Chen Zhongrong, vice-directeur de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses, le gouvernement travaille en ce moment à réviser les lois encadrant les affaires religieuses en Chine. Le haut responsable de cette administration, qui a rang de ministère dans l’appareil gouvernemental chinois, a livré cette information le 10 novembre dernier à l’occasion d’une rencontre qu’il avait avec des responsables religieux.
Chen Zhongrong a indiqué que le gouvernement central prévoyait de tenir une réunion sur la religion « cette année », peut-on lire par ailleurs sur le site de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses. L’un des objectifs du sommet sera de réfléchir à l’application sur le terrain d'amendements récemment promulgués, a précisé le haut responsable, l’accent étant mis sur la formation « intensive » des responsables religieux locaux.
Les textes actuels régissant les religions ont été promulgués en 2005 – et ils étaient la traduction législative du sommet qui s’était tenu en 2001. Depuis cette date toutefois, le paysage religieux a changé. Selon les chiffres apparus ici et là à la faveur de telle ou telle déclaration de hauts dirigeants chinois, la Chine compterait quelque 100 millions de croyants, dont six millions de catholiques et 23 millions de protestants. Une estimation qui ne prendrait pas en compte les pratiquants des Eglises non enregistrées auprès des autorités. Selon une étude américaine du Pew Research Centre, on compterait 58 millions de protestants et neuf millions de catholiques en 2010, avec une progression d’environ 10 % par an.
Quoi qu’il en soit, les préparatifs de cette conférence au sommet sont manifestement en cours. Depuis le début de cette année, Yu Zhengsheng, membre du Comité permanent du Bureau politique du Parti, la plus haute instance dirigeante du pays, et successeur de Xi Jinping à la tête du Parti communiste de la ville de Shanghai, multiplie les visites auprès des institutions religieuses.
Entre janvier et mars derniers, Yu Zhengsheng s’est ainsi rendu dans les représentations des cinq religions officiellement autorisées (bouddhisme, islam, taoïsme, protestantisme et catholicisme) à Pékin. Il s’est également déplacé à Baoding, préfecture du Hebei connue pour sa forte présence catholique. Il a aussi pris part – c’était une première – à une réunion de la Commission pour les Affaires religieuses de la Conférence consultative politique du peuple chinois, la deuxième Chambre du Parlement chinois.
Rien n’a filtré pour l’heure de la direction que pourrait prendre une éventuelle refonte de la législation en matière religieuse. La seule déclaration de politique générale au sujet des religions remonte au mois de mai dernier, lorsque le président Xi Jinping a, dans un discours au Front uni, insisté sur la « sinisation » des religions en Chine. Devant cette instance dont le rôle est de superviser les relations du Parti communiste avec tous les groupes de la société civile – dont les organisations religieuses – qui ne sont pas le Parti, Xi Jinping n’avait abordé la question religieuse qu’au détour d’un long discours, sans détailler sa pensée quant à un éventuel aggiornamento de la politique religieuse du Parti. Le concept de « sinisation » des religions, qui n’est pas une nouveauté dans la bouche des dirigeants chinois, recouvre l’autonomie des religions par rapport à toute autorité étrangère, et l’adaptation de celles-ci aux valeurs « socialistes » du régime.
Ces derniers mois toutefois, des « séances de travail » ont eu lieu dans la quasi-totalité des provinces du pays avec pour thème : « Sinisation des religions et christianisme ». Dans les provinces du Guizhou et du Shandong notamment, les responsables catholiques « officiels » ont dû y prendre part début novembre, soit quelques jours après le passage à Pékin, du 11 au 16 octobre 2015, d’une délégation vaticane à Pékin.
En mars dernier, le directeur de l’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses, Wang Zuo’an, avait expliqué qu’il était temps de réviser les règles administratives encadrant les religions, si possible dans le cours de l’année 2015. Interviewé par le Wenweipo, quotidien hongkongais pro-Pékin, Wang Zuo’an citait notamment de nouveaux problèmes dans la gestion des religions, comme les droits de propriété ou l’usage d’Internet par les religieux et les croyants.
Pour l’instant, de nouvelles règlementations religieuses ont surtout été appliquées localement. Ainsi dans le Zhejiang, les églises et temples protestants ont dû démonter les croix qui surplombaient les édifices. Après plus d'un mois sans destruction, la dernière en date a eu lieu à l’église Shizhu, dans la ville de Taizhou, fin novembre.
Les musulmans ouïghours du Xinjiang se sont quant à eux vu imposer une succession de règles au niveau local, ou au niveau de la province, allant de l’interdiction du port de la barbe ou du voile intégral à l’interdiction de la pratique du jeûne du Ramadan pour les fonctionnaires et les étudiants. Les tee-shirts et les drapeaux portant le croissant islamique, assimilés à des symboles indépendantistes en faveur du Turkestan oriental, sont également interdits.
Le bouddhisme tibétain n’est pas épargné. Dans plusieurs articles et éditoriaux, la presse officielle chinoise a insisté sur le droit de regard de Pékin dans le processus de choix de la future réincarnation du dalaï-lama. Le contrôle des temples dans la Région autonome du Tibet et dans les zones tibétaines des provinces limitrophes a lui aussi été renforcé.
A titre de comparaison, on peut citer le cas du voisin de la Chine qu’est le Vietnam. Là aussi, les autorités ont lancé un processus de refonte de la législation concernant les religions. Un projet de « loi sur les croyances et la religion » est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Les évêques catholiques vietnamiens ont fait connaître leur opinion sur ce texte. Elle est sans appel : ce projet de loi, ont affirmé les évêques, ne cherche pas le bonheur du peuple mais ne vise qu’à satisfaire les intérêts des gouvernants ; il tourne le dos à la liberté de croyance et de religion, et suscite davantage d’inquiétudes dans la population qu’il n’apporte de satisfacti (eda/sp)
(Source: Eglises d'Asie, le 8 décembre 2015)