Le Rapporteur spécial de l’ONU dénonce la surveillance des autorités durant son enquête sur la liberté religieuse
Le 31 juillet dernier, le Rapporteur spécial des Nations Unies, Heiner Bielefeldt, achevait un voyage d'enquête de 11 jours au Vietnam portant sur la situation de la liberté religieuse dans ce pays.
Il a fait part de ses premières conclusions dans une conférence de presse tenue à Hanoi peu avant son retour aux États-Unis.
Les premiers jours du voyage du Rapporteur spécial ont été consacrés à des rencontres avec les représentants de certaines autorités civiles concernées par la question religieuse. Le Rapporteur de l’ONU et son équipe ont entendu les exposés et les explications de hauts responsables des ministères de la Justice et de l'Education nationale. Ils ont aussi honoré un certain nombre de rendez-vous avec des membres du Bureau gouvernemental des Affaires religieuses ainsi que des représentants du Comité d'union des catholiques -, une association dépendante, non de l'Église catholique mais du Front patriotique-. Toutes ces rencontres ont été mentionnées par la presse officielle. Par contre cette dernière est restée très discrète sur les rencontres du Rapporteur et de son équipe avec les représentants des religions et des communautés religieuses qui n'acceptent pas le patronage du gouvernement vietnamien.
Au cours des trois derniers jours passés au Vietnam, Heiner Beilefeldt devait prendre contact avec certains fidèles de ces religions non reconnues par le gouvernement. Dans sa conférence de presse du 31 juillet, le Rapporteur a déclaré que cela n'avait pas été possible à cause de la surveillance de la Sécurité publique. Il a même affirmé publiquement qu'il s'agissait là d'une « grave violation » des principes que les deux parties s'étaient engagées à respecter.
« Notre projet de visite à An Giang, à Gia Lai et à Kontum (sur les hauts plateaux du Centre Vietnam), du 28 au 30 juillet, a été interrompu. J'ai en effet reçu des informations de sources dignes de confiance selon lesquelles certaines personnes que je voulais rencontrer avaient été mises sous haute surveillance, menacées, harcelées ou encore empêchées de circuler par la police. Celles que j'ai rencontrées n'ont pas échappé à la surveillance et aux interrogatoires de la police ». Le Rapporteur a ajouté que ses propres déplacements avaient été surveillés par deux cadres de la Sécurité et par la police et que l'intimité et la confidentialité des rencontres avec les divers témoins n'avaient pas pu être assurées.
Après cette entrée en matière abrupte, le représentant des Nations Unies a déclaré qu'il avait cependant constaté une certaine amélioration de la situation religieuse. Selon lui , « l'espace réservé aux culte s'est élargi bien que certaines régions rurales n'aient qu'un nombre de lieux de culte limité et trop peu de temps pour les activités religieuses ». « D'une manière générale, a-t-il ajouté, les multiples religions du Vietnam fonctionnent paisiblement et sans conflit, sous la gestion de l'État ».
Le Rapporteur a cependant insisté sur le cas des communautés religieuses indépendantes ne relevant pas des grandes religions reconnues par l'État. Il a cité le caodaïsme, le bouddhisme Hoa Hao, le bouddhisme vietnamien unifié… « A quels critères doivent-elles répondre pour obtenir l'autorisation de mener des activités officielles ? », interroge-t-il. Toujours sur ce sujet, Heiner Beilefeldt a fait remarquer que si l'on considérait le droit à la liberté religieuse comme un droit universel, il devait pouvoir être exercé avant même d'être reconnu par l'État.
En fin de conférence, le Rapporteur spécial s'est montré critique à l'égard du dernier texte législatif concernant les activités religieuses, à savoir l'arrêté n° 24 (1). Après être revenu sur un certain nombre de sujets traités au début de son allocution, il a affirmé qu'à cause des difficultés rencontrées, son voyage au Vietnam ne lui avait pas permis d'émettre un jugement définitif sur les accusations qui avaient été formulées devant lui au sujet de l'attitude des autorités à l'égard des religions. Il lui faudrait encore recueillir de nouvelles informations.
Les propos tenus pendant la conférence ne constituaient qu'un sommaire de son rapport d'enquête, lequel ne devrait être publié dans sa totalité qu'au mois de mars 2015.
Il y a 15 ans, en 1999, M. Abdelfattah Amor, alors Rapporteur des Nations Unies, avait également effectué un voyage d'enquête sur la liberté religieuse au Vietnam. À l'issue de celui-ci, il avait publié un rapport extrêmement circonstancié et minutieux. Ce texte reste aujourd'hui encore un document de grande valeur sur la situation religieuse du Vietnam de l’époque (2).
(eda/jm)
Notes
(1) On pourra lire une analyse critique de l'arrêté d'application N° 24 dans la « Déclaration commune des dignitaires religieux vietnamiens », EDA, Pour approfondir, 17 octobre 2013. Voir aussi la lettre des évêques du Sud-Vietnam au chef du gouvernement relative au projet de l'arrêté 24, EDA, 24 mai 2011.
(2) On trouvera un compte rendu de ce rapport dans EDA 286, 1er mai 1999.
Le 31 juillet dernier, le Rapporteur spécial des Nations Unies, Heiner Bielefeldt, achevait un voyage d'enquête de 11 jours au Vietnam portant sur la situation de la liberté religieuse dans ce pays.
Il a fait part de ses premières conclusions dans une conférence de presse tenue à Hanoi peu avant son retour aux États-Unis.
Les premiers jours du voyage du Rapporteur spécial ont été consacrés à des rencontres avec les représentants de certaines autorités civiles concernées par la question religieuse. Le Rapporteur de l’ONU et son équipe ont entendu les exposés et les explications de hauts responsables des ministères de la Justice et de l'Education nationale. Ils ont aussi honoré un certain nombre de rendez-vous avec des membres du Bureau gouvernemental des Affaires religieuses ainsi que des représentants du Comité d'union des catholiques -, une association dépendante, non de l'Église catholique mais du Front patriotique-. Toutes ces rencontres ont été mentionnées par la presse officielle. Par contre cette dernière est restée très discrète sur les rencontres du Rapporteur et de son équipe avec les représentants des religions et des communautés religieuses qui n'acceptent pas le patronage du gouvernement vietnamien.
Au cours des trois derniers jours passés au Vietnam, Heiner Beilefeldt devait prendre contact avec certains fidèles de ces religions non reconnues par le gouvernement. Dans sa conférence de presse du 31 juillet, le Rapporteur a déclaré que cela n'avait pas été possible à cause de la surveillance de la Sécurité publique. Il a même affirmé publiquement qu'il s'agissait là d'une « grave violation » des principes que les deux parties s'étaient engagées à respecter.
« Notre projet de visite à An Giang, à Gia Lai et à Kontum (sur les hauts plateaux du Centre Vietnam), du 28 au 30 juillet, a été interrompu. J'ai en effet reçu des informations de sources dignes de confiance selon lesquelles certaines personnes que je voulais rencontrer avaient été mises sous haute surveillance, menacées, harcelées ou encore empêchées de circuler par la police. Celles que j'ai rencontrées n'ont pas échappé à la surveillance et aux interrogatoires de la police ». Le Rapporteur a ajouté que ses propres déplacements avaient été surveillés par deux cadres de la Sécurité et par la police et que l'intimité et la confidentialité des rencontres avec les divers témoins n'avaient pas pu être assurées.
Après cette entrée en matière abrupte, le représentant des Nations Unies a déclaré qu'il avait cependant constaté une certaine amélioration de la situation religieuse. Selon lui , « l'espace réservé aux culte s'est élargi bien que certaines régions rurales n'aient qu'un nombre de lieux de culte limité et trop peu de temps pour les activités religieuses ». « D'une manière générale, a-t-il ajouté, les multiples religions du Vietnam fonctionnent paisiblement et sans conflit, sous la gestion de l'État ».
Le Rapporteur a cependant insisté sur le cas des communautés religieuses indépendantes ne relevant pas des grandes religions reconnues par l'État. Il a cité le caodaïsme, le bouddhisme Hoa Hao, le bouddhisme vietnamien unifié… « A quels critères doivent-elles répondre pour obtenir l'autorisation de mener des activités officielles ? », interroge-t-il. Toujours sur ce sujet, Heiner Beilefeldt a fait remarquer que si l'on considérait le droit à la liberté religieuse comme un droit universel, il devait pouvoir être exercé avant même d'être reconnu par l'État.
En fin de conférence, le Rapporteur spécial s'est montré critique à l'égard du dernier texte législatif concernant les activités religieuses, à savoir l'arrêté n° 24 (1). Après être revenu sur un certain nombre de sujets traités au début de son allocution, il a affirmé qu'à cause des difficultés rencontrées, son voyage au Vietnam ne lui avait pas permis d'émettre un jugement définitif sur les accusations qui avaient été formulées devant lui au sujet de l'attitude des autorités à l'égard des religions. Il lui faudrait encore recueillir de nouvelles informations.
Les propos tenus pendant la conférence ne constituaient qu'un sommaire de son rapport d'enquête, lequel ne devrait être publié dans sa totalité qu'au mois de mars 2015.
Il y a 15 ans, en 1999, M. Abdelfattah Amor, alors Rapporteur des Nations Unies, avait également effectué un voyage d'enquête sur la liberté religieuse au Vietnam. À l'issue de celui-ci, il avait publié un rapport extrêmement circonstancié et minutieux. Ce texte reste aujourd'hui encore un document de grande valeur sur la situation religieuse du Vietnam de l’époque (2).
(eda/jm)
Notes
(1) On pourra lire une analyse critique de l'arrêté d'application N° 24 dans la « Déclaration commune des dignitaires religieux vietnamiens », EDA, Pour approfondir, 17 octobre 2013. Voir aussi la lettre des évêques du Sud-Vietnam au chef du gouvernement relative au projet de l'arrêté 24, EDA, 24 mai 2011.
(2) On trouvera un compte rendu de ce rapport dans EDA 286, 1er mai 1999.