La mesure faisait partie des décisions phares annoncées le 15 novembre dernier, à l’issue du 3ème plénum du Comité central du XVIIIème Congrès du Parti communiste (qui s’est tenu à huis clos du 9 au 13 novembre à Pékin) : trente-trois ans après sa mise en place sous Deng Xiaoping, la politique de l’enfant unique était assouplie. La nouvelle équipe au pouvoir sous la direction du président Xi Jinping démontrait ainsi sa volonté de conduire des changements depuis longtemps réclamés, débattus mais jamais décidés, soulignait la presse officielle. Las, dès le lendemain, une déclaration de Wang Pei’an, numéro deux de la Commission nationale pour la santé et le planning familial, est venue préciser le cadre de cette réforme : le calendrier de sa mise en place n’a pas encore été fixé et cette réforme ne sera pas le prélude à un abandon de la politique de l’enfant unique, voire même à de futurs nouveaux assouplissements de celle-ci.
La réforme de la politique de l’enfant unique, qui avait été mise en place le 25 septembre 1980, est l’une des 60 décisions prises lors du 3ème plénum de 2013. Elle autorise les couples dont l’un des membres est enfant unique à avoir un deuxième enfant (auparavant cette possibilité n’était offerte qu’aux seuls les couples dont les deux membres étaient enfant unique). Dans un pays où les démographes soulignent depuis plusieurs années le fait que ce n’est pas l’explosion démographique qui menace la population chinoise mais au contraire son vieillissement accéléré ainsi qu’un très inquiétant déséquilibre du ratio entre les sexes (des dizaines de millions de filles et de femmes manquant aujourd’hui à l’appel), la mesure était cependant souhaitée.
La déclaration de Wang Pei’an indique toutefois que les présupposés des responsables chinois n’ont pas fondamentalement changé en ce qui concerne la politique démographique de la Chine. Depuis la mise en place de la politique de l’enfant unique, la propagande n’a en effet cessé de marteler l’idée que la population chinoise était « un problème », interdisant ainsi toute réflexion sereine sur les questions démographiques. Alors que les études démographiques indiquent qu’aujourd’hui les comportements des couples chinois se rapprochent de ceux des couples japonais, sud-coréens ou hongkongais – trois territoires où la fécondité des femmes est largement passée sous le seuil de renouvellement des générations (2,1 enfants par femme) –, Wang Pei’an a déclaré : « Le fait que nous sommes un pays extrêmement peuplé n’a pas fondamentalement changé ; la pression sur l’économie, la société, les matières premières et l’environnement va durer encore longtemps », ajoutant que « la politique de contrôle familial [devait] être maintenue sur le long terme » et qu’il n’était « pas possible de se relâcher sur la question. »
Outre le fait que Pékin ne renonçait pas à sa politique familiale mais ne procédait qu’à un ajustement de celle-ci, Wang Pei’an a déclaré que « les nouvelles mesures ne rentreraient pas en vigueur de manière uniforme dans le pays » et qu’« aucun calendrier » n’avait pour l’heure été arrêté. Il a cependant précisé qu’il serait peu « avisé » que la mise en place de ces nouvelles mesures soit réalisée avec « un trop grand décalage » entre les différentes régions du pays. L’objectif du gouvernement est d’« éviter un boom des naissances », a-t-il déclaré, laissant entendre que les autorités veilleront à ce que les naissances issues des couples désormais éligibles à un deuxième enfant soient étalées dans le temps.
Le démographe Wang Feng, professeur à l’université de Fudan (Shanghai) et à l’Université de Californie (Etats-Unis), est un spécialiste reconnu des questions démographiques de la Chine populaire. Adversaire déclaré de la politique de l’enfant unique (Jihua Shengyu, ‘fécondité planifiée’ en chinois), il plaide depuis des années pour un abandon de ce qu’il qualifie de « plus vaste et plus extrême expérience de contrôle des populations jamais tentée par un Etat dans le domaine de la reproduction des humains ». Sollicité par les médias chinois comme étrangers dès l’annonce du 15 novembre, Wang Feng a estimé que l’assouplissement envisagé devrait générer entre un et deux millions de naissances supplémentaires, sur un total de quinze millions en moyenne ces dernières années. Après trois ans d’effet ‘rattrapage’, il estime que ce surcroît de naissances devrait se tasser, la fécondité des couples chinois s’inscrivant sur une tendance déclinante.
Face à la volonté réaffirmée des autorités chinoises de ne pas renoncer à la politique de l’enfant unique et l’annonce qu’elles veilleront de près à l’étalement dans le temps d’un éventuel surcroît de naissances, on peut lire en filigrane le maintien de la toute-puissance de l’administration chargée de l’application de la politique de planning familial. De nombreuses études, en Chine comme à l’étranger, ont montré l’étendue des pouvoirs et des abus de cette administration, qui pendant longtemps s’est financée sur les amendes imposées aux contrevenants à la politique de l’enfant unique, amenant ainsi les fonctionnaires à faire preuve d’un zèle souvent excessif afin d’augmenter leurs revenus et ceux de leur administration. Les recours à l’avortement forcé ont été maintes fois documentés.
En mars dernier, la Commission du planning familial a fusionné avec le ministère de la Santé, le gouvernement cherchant ainsi à « normaliser » le fonctionnement de cette vaste administration. L’élaboration de la politique démographique du pays lui a donc été retirée pour être confiée à la Commission pour la réforme et le développement national. Mais selon les observateurs, l’annonce d’une réforme a minima de la politique de l’enfant unique et l’affirmation que cette réforme sera graduellement appliquée de manière non uniforme dans le pays ne présagent en rien, au contraire, d’un affaiblissement du pouvoir des fonctionnaires chargés du planning familial. (eda/ra)
(Source: Eglises d’Asie, 18 novembre 2013)
La réforme de la politique de l’enfant unique, qui avait été mise en place le 25 septembre 1980, est l’une des 60 décisions prises lors du 3ème plénum de 2013. Elle autorise les couples dont l’un des membres est enfant unique à avoir un deuxième enfant (auparavant cette possibilité n’était offerte qu’aux seuls les couples dont les deux membres étaient enfant unique). Dans un pays où les démographes soulignent depuis plusieurs années le fait que ce n’est pas l’explosion démographique qui menace la population chinoise mais au contraire son vieillissement accéléré ainsi qu’un très inquiétant déséquilibre du ratio entre les sexes (des dizaines de millions de filles et de femmes manquant aujourd’hui à l’appel), la mesure était cependant souhaitée.
La déclaration de Wang Pei’an indique toutefois que les présupposés des responsables chinois n’ont pas fondamentalement changé en ce qui concerne la politique démographique de la Chine. Depuis la mise en place de la politique de l’enfant unique, la propagande n’a en effet cessé de marteler l’idée que la population chinoise était « un problème », interdisant ainsi toute réflexion sereine sur les questions démographiques. Alors que les études démographiques indiquent qu’aujourd’hui les comportements des couples chinois se rapprochent de ceux des couples japonais, sud-coréens ou hongkongais – trois territoires où la fécondité des femmes est largement passée sous le seuil de renouvellement des générations (2,1 enfants par femme) –, Wang Pei’an a déclaré : « Le fait que nous sommes un pays extrêmement peuplé n’a pas fondamentalement changé ; la pression sur l’économie, la société, les matières premières et l’environnement va durer encore longtemps », ajoutant que « la politique de contrôle familial [devait] être maintenue sur le long terme » et qu’il n’était « pas possible de se relâcher sur la question. »
Outre le fait que Pékin ne renonçait pas à sa politique familiale mais ne procédait qu’à un ajustement de celle-ci, Wang Pei’an a déclaré que « les nouvelles mesures ne rentreraient pas en vigueur de manière uniforme dans le pays » et qu’« aucun calendrier » n’avait pour l’heure été arrêté. Il a cependant précisé qu’il serait peu « avisé » que la mise en place de ces nouvelles mesures soit réalisée avec « un trop grand décalage » entre les différentes régions du pays. L’objectif du gouvernement est d’« éviter un boom des naissances », a-t-il déclaré, laissant entendre que les autorités veilleront à ce que les naissances issues des couples désormais éligibles à un deuxième enfant soient étalées dans le temps.
Le démographe Wang Feng, professeur à l’université de Fudan (Shanghai) et à l’Université de Californie (Etats-Unis), est un spécialiste reconnu des questions démographiques de la Chine populaire. Adversaire déclaré de la politique de l’enfant unique (Jihua Shengyu, ‘fécondité planifiée’ en chinois), il plaide depuis des années pour un abandon de ce qu’il qualifie de « plus vaste et plus extrême expérience de contrôle des populations jamais tentée par un Etat dans le domaine de la reproduction des humains ». Sollicité par les médias chinois comme étrangers dès l’annonce du 15 novembre, Wang Feng a estimé que l’assouplissement envisagé devrait générer entre un et deux millions de naissances supplémentaires, sur un total de quinze millions en moyenne ces dernières années. Après trois ans d’effet ‘rattrapage’, il estime que ce surcroît de naissances devrait se tasser, la fécondité des couples chinois s’inscrivant sur une tendance déclinante.
Face à la volonté réaffirmée des autorités chinoises de ne pas renoncer à la politique de l’enfant unique et l’annonce qu’elles veilleront de près à l’étalement dans le temps d’un éventuel surcroît de naissances, on peut lire en filigrane le maintien de la toute-puissance de l’administration chargée de l’application de la politique de planning familial. De nombreuses études, en Chine comme à l’étranger, ont montré l’étendue des pouvoirs et des abus de cette administration, qui pendant longtemps s’est financée sur les amendes imposées aux contrevenants à la politique de l’enfant unique, amenant ainsi les fonctionnaires à faire preuve d’un zèle souvent excessif afin d’augmenter leurs revenus et ceux de leur administration. Les recours à l’avortement forcé ont été maintes fois documentés.
En mars dernier, la Commission du planning familial a fusionné avec le ministère de la Santé, le gouvernement cherchant ainsi à « normaliser » le fonctionnement de cette vaste administration. L’élaboration de la politique démographique du pays lui a donc été retirée pour être confiée à la Commission pour la réforme et le développement national. Mais selon les observateurs, l’annonce d’une réforme a minima de la politique de l’enfant unique et l’affirmation que cette réforme sera graduellement appliquée de manière non uniforme dans le pays ne présagent en rien, au contraire, d’un affaiblissement du pouvoir des fonctionnaires chargés du planning familial. (eda/ra)
(Source: Eglises d’Asie, 18 novembre 2013)