Mgr Jose Palma, archevêque de Cebu et président de la CBCP, a déclaré que l’Eglise souhaitait qu’à l’occasion des célébrations qui font mémoire du sacrifice du Christ, les catholiques cherchent à renouveler leur foi plutôt qu’à s’auto-infliger des souffrances physiques. Les fêtes de Pâques devraient être pour les fidèles l’occasion d’un approfondissement spirituel de leur foi plutôt que d’une manifestation extérieure et spectaculaire de leur croyance, a précisé l’évêque, tout en prenant soin de rappeler que l’épiscopat philippin « ne jugeait pas des intentions de ceux qui s’y prêtaient, particulièrement de ceux qui s’y livraient dans le cadre de l’accomplissement d’un vœu (…) », mais qu’il « décourageait cette pratique ».
Les « Kristos » – ainsi que l’on nomme les crucifiés du Vendredi Saint – sont apparus aux Philippines il y a soixante ans environ. A 70 km au nord de Manille, dans la province de Pampanga, les villageois de San Pedro Cutud, localité proche de la ville de San Fernando, affirment qu’il y a des décennies de cela, une inondation massive a submergé leur village et que les seuls survivants furent ceux qui s’étaient accrochés à une grande croix de bois flottant sur les eaux. Depuis, en signe de pénitence, lors de la Semaine Sainte, les habitants du village organisent de véritables scènes de crucifixion. Le phénomène a pris de l’ampleur il y a une vingtaine d’années et, chaque année, des foules importantes, croyants, curieux et touristes étrangers mêlés, s’y pressent dans une atmosphère où le recueillement le dispute à la kermesse. Le plus souvent, les « Kristos » disent accomplir un vœu en choisissant d’être ainsi cloués sur le bois d’une croix, que ce soit en remerciement d’une naissance qui s’est bien passée, pour obtenir une guérison ou encore pour avoir gagné au jueteng (jeu d’argent illégal et très populaire aux Philippines). Avant le crucifiement lui-même, les « Kristos » rejouent la passion du Christ, tout au long d’un chemin de croix.
Les crucifixions, bien entendu, ne vont pas jusqu’à la mort. Les crucifiés restent en moyenne une quinzaine de minutes sur la croix, leurs pieds reposant sur des planchettes perpendiculaires au bois de la croix. Ce sont toutefois de vrais clous (en acier inoxydable et préalablement désinfectés à l’alcool) qui sont cloués à travers les paumes de leurs mains et entre leurs doigts de pied. Les autorités civiles exigent que les candidats au crucifiement soient vaccinés contre le tétanos. Année après année, il n’est pas rare que certains « Kristos » réitèrent leur geste, en obéissance à un vœu qu’ils ont eux-mêmes formulés. Ainsi, cette année, parmi la vingtaine de candidats, se trouve Ruben Inaje, peintre en bâtiment de son état, qui accomplira sa 26ème crucifixion. L’an prochain, après la 27ème, il a déclaré qu’il en resterait là, ayant réalisé un vœu l’engageant pour une durée de trois fois neuf ans.
Face à une telle manifestation de dévotion populaire, l’Eglise catholique (très majoritaire dans un pays où 85 % de la population se réclame du catholicisme) se veut très claire. L’an dernier, Mgr Angel Lagdameo, archevêque de Jaro et ancien président de la CBCP, rappelait que « l’humanité avait été sauvée par un seul crucifié, le Christ » et que les souffrances des crucifiés de San Pedro Cutud n’ajoutaient rien au salut de l’humanité. Si les croyants veulent faire pénitence, ils peuvent le faire à travers l’aumône, le jeûne, l’abstinence et la prière, avait-il conclu.
(Source: Eglises d'Asie, 30 mars 2012)