Le 22 avril dernier, le Bureau gouvernemental des Affaires religieuses extrayait subitement de ses tiroirs un projet de loi jusque-là inconnu, le projet de loi N° 4 sur les croyances et la religion. Il était envoyé à toutes les communautés religieuses du pays. Celles-ci étaient invitées, dans un délai de quinze jours, à prendre connaissance de ce texte comportant douze chapitres et un total de 27 pages), afin de renvoyer aux fonctionnaires gouvernementaux leurs remarques et leurs contributions. Les Affaires religieuses précisaient que les communautés qui n’auraient pas envoyé de réponse avant la fin du temps prescrit seraient considérées comme ayant donné leur accord à l’ensemble des dispositions du texte.
Les promoteurs du projet de loi n’auront pas été déçus sur ce point ; ils n’ont pas eu à attendre la fin du délai imparti pour connaître le jugement des responsables catholiques. Le 4 mai, leur parvenait une réponse collective de la Conférence épiscopale. Auparavant, dès le 28 avril, six jours seulement après la réception du texte, le diocèse de Kontum avait réagi avec éclat, suivi de près par le diocèse de Bac Ninh, qui envoyait sa contribution le 1er mai.
Si les évêques ont largement respecté le calendrier imposé par les autorités, il est fort probable que les remarques et propositions qu’ils leur ont fait parvenir ne leur aient pas apporté entière satisfaction. L’évêché de Kontum demande au Bureau des Affaires religieuses d’abandonner purement et simplement ce projet. De son côté, la Conférence épiscopale affiche sans ambages son désaccord avec le projet N° 4 et demande aux fonctionnaires ayant élaboré le projet de revoir entièrement leur copie en tenant compte du mouvement contemporain pour la liberté et la démocratie. La contribution du diocèse de Bac Ninh est également sévère pour un texte dans lequel elle ne relève aucun point positif.
Au sein des milieux catholiques, la première réaction au projet de loi sur les croyances et la religion aura donc été celle de l’évêché du diocèse de Kontum, une région où les chrétiens issus des minorités ethniques sont placés sous haute surveillance par les cadres administratifs. Une lettre ouverte envoyée au Bureau provincial des Affaires religieuses rassemble les opinions du clergé et des fidèles de ce diocèse des hauts plateaux du Centre-Vietnam. La critique du projet y est particulièrement franche et le jugement porté sur lui sans détour et sans appel. La lettre commence par affirmer que la rapidité de la réponse du diocèse n’est due qu’à la volonté d’exprimer son désaccord avec le texte proposé, le Bureau ayant déclaré que l’absence de réponse serait considérée comme valant approbation du projet.
Selon la lettre, la première réaction du clergé a été de déclarer que la contribution du diocèse serait tout à fait inutile, comme avait été inutile la contribution proposée par les évêques à la Constitution mise en vigueur en 2013. En outre, les signataires de la lettre refusent que le gouvernement impose aux religions sa propre réglementation, chacune d’entre elles ayant son droit canon et ses règles. Il est paradoxal de constater, ajoute la lettre, que des dirigeants « sans croyances religieuses » établissent ainsi les lois réglementant le fonctionnement interne de la religion.
Une autre opinion recueillie dans la lettre affirme que cette demande de contribution de la part des autorités n’est qu’une parodie de démocratie. En réalité, les cadres continueront de penser que les religions, opium du peuple, sont destinées à dépérir. D’autres font remarquer que la nouvelle loi ne fait que prolonger le système en vigueur en matière religieuse, à savoir l’obligation pour chaque religion de demander une autorisation à l’Etat pour chacune de ses activités.
Enfin, in cauda venenum, la lettre se termine par une conclusion cinglante. Plutôt que de vous occuper des affaires religieuses, suggère la lettre, efforcez-vous d’assurer la défense du pays assailli de toutes parts, aujourd’hui, par son voisin du Nord. Le clou est enfoncé encore davantage par la question embarrassante posée au Parti communiste vietnamien : « Que s’est-il vraiment passé lors des entretiens qui ont eu lieu en 1990, à Thanh Do [transcription vietnamienne de la ville de Chengdu – NDLR], en Chine entre dirigeants chinois et vietnamiens ? » Le contenu de l’accord conclu entre les deux Partis communistes n’a jamais été rendu public. Pourquoi un tel secret ?, interroge la lettre.
Il y a moins d’humeur et d’emportement dans la lettre envoyée au ministère de l’Intérieur par le Bureau permanent de la Conférence épiscopale en réaction au projet de loi, mais le ton n’est pas moins ferme. Contrairement à la tradition historique du Vietnam où la loi a toujours été conçue en référence au bonheur et à la satisfaction du peuple, le projet de loi N° 4 ne vise qu’à satisfaire les intérêts des gouvernants. Le projet tourne le dos à la liberté de croyance et de religion et suscite davantage d’inquiétudes dans la population qu’il n’apporte de satisfaction. La lettre relève ensuite quatorze articles ou paragraphes qui font difficulté ou qui sont contraires aux lois internationales.
La conclusion est très sévère. Le projet N° 4 est en opposition avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et même avec la Constitution en vigueur du Vietnam. En outre, si on le compare à l’Ordonnance sur les croyances et la religion de 2004, ce texte constitue un retour en arrière. En conséquence, la Conférence épiscopale propose aux autorités d’élaborer un autre projet plus conforme à la démocratie.
Les opinions sur le projet de loi, émanant de l’évêque, des prêtres et des laïcs du diocèse de Bac Ninh, recueillies dans une lettre envoyée aux autorités, témoignent de la même insatisfaction à l’égard d’un texte jugé prétentieux et envahissant. La lettre souligne, comme la lettre du Bureau permanent de la Conférence épiscopale, le retard du projet par rapport à la Déclaration universelle des droits de l’homme, à la Constitution de la République socialiste du Vietnam et aux déclarations des évêques du Vietnam. Après avoir relevé de nombreux manques, avoir souligné l’opposition de nombreux articles au droit international, la lettre du diocèse de Bac Ninh propose aux autorités de refondre leur document pour le bonheur de la population du Vietnam. (eda/jm)
(Source: Eglises d'Asie, le 8 mai 2015)
Les promoteurs du projet de loi n’auront pas été déçus sur ce point ; ils n’ont pas eu à attendre la fin du délai imparti pour connaître le jugement des responsables catholiques. Le 4 mai, leur parvenait une réponse collective de la Conférence épiscopale. Auparavant, dès le 28 avril, six jours seulement après la réception du texte, le diocèse de Kontum avait réagi avec éclat, suivi de près par le diocèse de Bac Ninh, qui envoyait sa contribution le 1er mai.
Si les évêques ont largement respecté le calendrier imposé par les autorités, il est fort probable que les remarques et propositions qu’ils leur ont fait parvenir ne leur aient pas apporté entière satisfaction. L’évêché de Kontum demande au Bureau des Affaires religieuses d’abandonner purement et simplement ce projet. De son côté, la Conférence épiscopale affiche sans ambages son désaccord avec le projet N° 4 et demande aux fonctionnaires ayant élaboré le projet de revoir entièrement leur copie en tenant compte du mouvement contemporain pour la liberté et la démocratie. La contribution du diocèse de Bac Ninh est également sévère pour un texte dans lequel elle ne relève aucun point positif.
Au sein des milieux catholiques, la première réaction au projet de loi sur les croyances et la religion aura donc été celle de l’évêché du diocèse de Kontum, une région où les chrétiens issus des minorités ethniques sont placés sous haute surveillance par les cadres administratifs. Une lettre ouverte envoyée au Bureau provincial des Affaires religieuses rassemble les opinions du clergé et des fidèles de ce diocèse des hauts plateaux du Centre-Vietnam. La critique du projet y est particulièrement franche et le jugement porté sur lui sans détour et sans appel. La lettre commence par affirmer que la rapidité de la réponse du diocèse n’est due qu’à la volonté d’exprimer son désaccord avec le texte proposé, le Bureau ayant déclaré que l’absence de réponse serait considérée comme valant approbation du projet.
Selon la lettre, la première réaction du clergé a été de déclarer que la contribution du diocèse serait tout à fait inutile, comme avait été inutile la contribution proposée par les évêques à la Constitution mise en vigueur en 2013. En outre, les signataires de la lettre refusent que le gouvernement impose aux religions sa propre réglementation, chacune d’entre elles ayant son droit canon et ses règles. Il est paradoxal de constater, ajoute la lettre, que des dirigeants « sans croyances religieuses » établissent ainsi les lois réglementant le fonctionnement interne de la religion.
Une autre opinion recueillie dans la lettre affirme que cette demande de contribution de la part des autorités n’est qu’une parodie de démocratie. En réalité, les cadres continueront de penser que les religions, opium du peuple, sont destinées à dépérir. D’autres font remarquer que la nouvelle loi ne fait que prolonger le système en vigueur en matière religieuse, à savoir l’obligation pour chaque religion de demander une autorisation à l’Etat pour chacune de ses activités.
Enfin, in cauda venenum, la lettre se termine par une conclusion cinglante. Plutôt que de vous occuper des affaires religieuses, suggère la lettre, efforcez-vous d’assurer la défense du pays assailli de toutes parts, aujourd’hui, par son voisin du Nord. Le clou est enfoncé encore davantage par la question embarrassante posée au Parti communiste vietnamien : « Que s’est-il vraiment passé lors des entretiens qui ont eu lieu en 1990, à Thanh Do [transcription vietnamienne de la ville de Chengdu – NDLR], en Chine entre dirigeants chinois et vietnamiens ? » Le contenu de l’accord conclu entre les deux Partis communistes n’a jamais été rendu public. Pourquoi un tel secret ?, interroge la lettre.
Il y a moins d’humeur et d’emportement dans la lettre envoyée au ministère de l’Intérieur par le Bureau permanent de la Conférence épiscopale en réaction au projet de loi, mais le ton n’est pas moins ferme. Contrairement à la tradition historique du Vietnam où la loi a toujours été conçue en référence au bonheur et à la satisfaction du peuple, le projet de loi N° 4 ne vise qu’à satisfaire les intérêts des gouvernants. Le projet tourne le dos à la liberté de croyance et de religion et suscite davantage d’inquiétudes dans la population qu’il n’apporte de satisfaction. La lettre relève ensuite quatorze articles ou paragraphes qui font difficulté ou qui sont contraires aux lois internationales.
La conclusion est très sévère. Le projet N° 4 est en opposition avec la Déclaration universelle des droits de l’homme et même avec la Constitution en vigueur du Vietnam. En outre, si on le compare à l’Ordonnance sur les croyances et la religion de 2004, ce texte constitue un retour en arrière. En conséquence, la Conférence épiscopale propose aux autorités d’élaborer un autre projet plus conforme à la démocratie.
Les opinions sur le projet de loi, émanant de l’évêque, des prêtres et des laïcs du diocèse de Bac Ninh, recueillies dans une lettre envoyée aux autorités, témoignent de la même insatisfaction à l’égard d’un texte jugé prétentieux et envahissant. La lettre souligne, comme la lettre du Bureau permanent de la Conférence épiscopale, le retard du projet par rapport à la Déclaration universelle des droits de l’homme, à la Constitution de la République socialiste du Vietnam et aux déclarations des évêques du Vietnam. Après avoir relevé de nombreux manques, avoir souligné l’opposition de nombreux articles au droit international, la lettre du diocèse de Bac Ninh propose aux autorités de refondre leur document pour le bonheur de la population du Vietnam. (eda/jm)
(Source: Eglises d'Asie, le 8 mai 2015)