A l’issue de leur assemblée plénière, les évêques catholiques du Japon ont appelé leur gouvernement à fermer sans délai les centrales nucléaires du pays. Le 10 novembre, lors d’une conférence de presse tenue près de la cathédrale Motoderakoji de Sendai, le diocèse le plus touché par la catastrophe de Fukushima, ils ont rendu public un document intitulé : « Mettre fin à l’énergie nucléaire aujourd’hui : ...

... de la nécessité de prendre en compte la catastrophe provoquée par le tragique incident de [la centrale] de Fukushima Daiichi ».

Tandis que le gouvernement japonais tergiverse sur l’avenir de l’électricité d’origine nucléaire, affirmant avoir renoncé à augmenter la part du nucléaire de 30 % à 50 % d’ici à 2030 dans la production d’électricité tout en autorisant, le 1er novembre dernier, le redémarrage d’une centrale nucléaire dans le Kyushu, le geste des évêques se veut définitif. Lors de la conférence du 10 novembre, les cinq évêques présents devant les journalistes ont cité un document publié par leur Conférence épiscopale en 2001. On pouvait y lire au sujet de l’électricité d’origine nucléaire la préconisation suivante : « De manière à éviter une tragédie, nous devons développer des moyens alternatifs sûrs de produire de l’énergie. »

Dans le document publié à Sendai, les évêques expliquent que la « tragédie » évoquée il y a dix ans « est devenue réalité avec l’incident de Fukushima Daiichi ». Ils ne cachent pas qu’en cas de sortie du nucléaire, le Japon devra trouver des sources d’énergie alternatives, mais ils soulignent également que le pays arrive déjà à vivre avec très peu de centrales en fonctionnement. En effet, sur les 54 réacteurs installés, seuls dix sont actuellement en activité et une partie d’entre eux devra prochainement être mis à l’arrêt pour des travaux de maintenance. Les évêques se disent également conscients que, dans un pays quasi dépourvu de sources domestiques d’énergie, un recours accru aux énergies fossiles empêchera sans doute le Japon d’atteindre les objectifs fixés par le protocole de Kyoto en matière d’émission de CO².

Mais, insistent-ils, l’homme est comptable de ses actes et se doit de protéger « la nature et toute vie, qui sont l’œuvre de Dieu ». L’homme d’aujourd’hui doit transmettre aux générations de demain un « environnement sain », écrivent-ils encore. Le Japon possède « une culture, une sagesse et une tradition pour lesquelles vivre en harmonie avec la nature » est un élément central. Le shintoïsme et le bouddhisme ont contribué à diffuser dans la société cet état d’esprit, « et dans le christianisme, nous avons également la volonté de vivre avec tempérance ». C’est pourquoi, poursuivent les évêques, chacun au Japon est appelé à changer radicalement son style de vie : « Le point essentiel est d’adapter nos comportements, qui sont excessivement dépendants de l’énergie nucléaire. C’est tout le Japon et les Japonais qui doivent repenser leur manière d’être. »

Selon Mgr Kikuchi Isao, évêque de Niigata, qui figurait parmi les cinq évêques ayant présenté à la presse le document épiscopal, « après la catastrophe de Fukushima, une réflexion s’imposait. Nous demandons à nos concitoyens de changer et de simplifier leur style de vie. Aujourd’hui, la majorité de la population partage les craintes concernant les effets négatifs du nucléaire. D’autres pensent que changer la vie d’un pays dans son ensemble est impossible et que l’on ne peut donc pas arrêter les centrales. Nous avons discuté de cela entre nous, évêques. Peut-être recevrons-nous des critiques mais la réalité est que le bien le plus grand est la protection de la vie et la sauvegarde de la Création. Nous avons le devoir de le dire ». Dans un entretien accordé à l’agence Fides (1), il a conclu en ces termes : « Nous demandons au gouvernement d’investir davantage dans les nouvelles sources d’énergie comme l’énergie solaire. Notre document ne se veut pas politique mais plutôt de nature religieuse et sociale ; nous comptons sur le soutien des croyants de toutes les religions. »

L’engagement de l’Eglise catholique du Japon – qui rassemble une petite minorité de 0,4 % la population – en faveur de l’arrêt des centrales nucléaires est bien antérieur à l’accident de la centrale de Fukushima, consécutif au tremblement de terre et au tsunami du 11 mars dernier. Outre le document de 2001, en octobre 1999, la Commission ‘Justice et Paix’ de l’épiscopat se prononçait déjà pour un abandon de l’énergie nucléaire et pour le développement de sources d’énergie alternatives (2). A l’époque, l’appel de l’Eglise n’avait pas été entendu et le programme nucléaire poursuivi. Aujourd’hui, face à l’impopularité de l’énergie nucléaire dans l’opinion japonaise, l’appel des évêques pourrait amener des responsables d’autres religions à se prononcer eux-aussi en ce sens.

Dans l’immédiat toutefois, les responsables politiques ne semblent pas décidés à se prononcer. Le gouverneur de Tokyo, personnalité connue pour son franc-parler et ses idées nationalistes, a déclaré en juillet dernier que les décideurs nippons ne devraient pas tenir compte des « réactions hystériques » post-Fukushima et que le Japon ne pouvait se permettre de renoncer à ses centrales (3). De son côté, le gouvernement cherche à préserver la filière industrielle nucléaire japonaise, notamment à l’exportation, tout en temporisant par ailleurs sur la scène domestique, affirmant vouloir revoir « fondamentalement la politique énergétique à long terme ».

(1) Fides, 11 novembre 2011.
(2) Voir dépêche EDA du 1er novembre 1999 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-nord-est/japon/la-commission-justice-et-paix-de-lepiscopat
(3) AFP, 11 juillet 2011.

(Source: Eglises d'Asie, 10 novembre 2011)