Au cours du Dimanche des Rameaux, célébré le 9 avril dernier, une vingtaine de motards ont pénétré dans une église chrétienne de l’Etat du Chhattisgarh et effrayé les paroissiens qui prenaient part à l’office du matin. Les perturbateurs portaient tous, autour de la tête, un bandeau couleur safran, la couleur des nationalistes hindous. Des provocations du même genre ont été signalées dans pas moins de six autres Etats de l’Union indienne, pour la seule journée du Dimanche des Rameaux.
Outre des interruptions du culte dans l’Uttar Pradesh, le Rajasthan et l’Haryana, l’arrestation de deux pasteurs évangéliques, pour de supposées conversions forcées, au Madhya Pradesh, et l’interruption d’une prière domestique, dans le Tamil Nadu, ont été signalées.
Des incidents à travers tout le pays
La semaine dernière, quelques incidents avaient déjà été répertoriés : le 8 avril, à Bangalore, une conférence, devant être animée par des pasteurs évangéliques étrangers, avait été annulée au dernier moment, alors qu’une autorisation avait pourtant été accordée. La veille, dans l’Uttar Pradesh, une prière avait été interrompue et tous les fidèles avaient été arrêtés au motif que des « conversions forcées au christianisme » avaient eu lieu. La situation dans cet Etat est particulièrement préoccupante dans la mesure où l’actuel chef du gouvernement de cet Etat, Yogi Adityanath, est le fondateur de la milice nationaliste radicale Hindu Yuva Vahini qui a interrompu la cérémonie.
Plus récemment, mercredi 12 avril, c’est à Bombay (Mumbai) qu’une croix a été profanée. Une paroissienne a en effet découvert une « guirlande de pantoufles » autour de la croix. Dans cette ville, c’est le deuxième acte recensé en deux mois, après la décapitation d’une statue de la Vierge Marie. Pour Sajan K. George, président du Conseil mondial des chrétiens indiens (GCIC), « la profanation de la Sainte Croix […] blesse profondément nos sentiments religieux, en particulier pendant la Semaine Sainte. [...] Dans la tradition indienne, les guirlandes de fleurs servent à vénérer et à honorer ; ici, le Corps sacré de Jésus a été ‘orné’ avec des pantoufles, ce qui indique une volonté claire d’offenser nos convictions religieuses ».
Ainsi, à l’approche des fêtes de Pâques, non seulement les incidents se multiplient, à travers le pays, mais les modes opératoires se diversifient.
La nécessité de faire respecter l’Etat de droit en Inde
Suite à la profanation de la croix à Mumbai, la police a été saisie d’une plainte sur le fondement des articles 295 et 427 du Code pénal, qui sanctionnent respectivement l’attente aux lieux de culte et les actes de vandalisme. L’Union indienne dispose en effet d’un arsenal constitutionnel et juridique censé protéger les minorités religieuses et leurs croyants. Ainsi, l’article 25 de la Constitution dispose que « toutes les personnes ont droit à la liberté de conscience et le droit de professer, de pratiquer et de propager librement la religion ».
Ces provocations suscitent une certaine inquiétude au sein des communautés chrétiennes du pays, d’autant que les nationalistes hindous du BJP (Bharatiya Janata Party - Parti du peuple indien) ont depuis le début de l’année remporté des victoires significatives aux élections régionales (notamment en Uttar Pradesh, le 11 mars dernier).
Pour l’heure, la Conférence des évêques catholiques de rite latin (CCBI) ne s’est pas prononcée sur ces événements. Le 30 janvier dernier, le cardinal Oswald Gracias, président de la CCBI, s’alarmait de « la léthargie dont faisaient preuve les institutions à défendre l’Etat de droit ».
Ces événements ne manquent pas de susciter des réactions de la part des milieux chrétiens. Ainsi, pour Mgr Thomas Thuruthimattam, évêque de Gorakhpur, les arrestations du 7 avril constituent « une véritable attaque indirecte contre la liberté religieuse. Ces menaces indirectes sont contre les principes établis par la Constitution, contre les personnes représentées dans la Constitution elle-même ». De même, l’ONG Christian Solidarity Worldwide observe qu’il est « préoccupant d’entendre que les chrétiens vivant au sein de la démocratie la plus peuplée du monde doivent faire face à des agressions de la part de groupes fondamentalistes hindous [...] : la liberté de conscience et le droit de professer librement sa propre foi sont garantis par la Constitution indienne. Nous exhortons le gouvernement indien à agir avec fermeté contre les groupes fondamentalistes ».
Les provocations, de plus en plus fréquentes et violentes, ne concernent pas seulement les chrétiens : les minorités musulmanes sont elles aussi régulièrement attaquées par les nationalistes hindous. Un conducteur de camions de vaches, de confession musulmane, est ainsi décédé la semaine dernière, après avoir été attaqué par des hindouistes agissant au nom de « la défense de la vache ».
La multiplication de ces incidents et le renforcement des nationalistes hindous au pouvoir ne semblent toutefois pas de nature à compromettre le déplacement du pape François en Inde. Cette visite pastorale a été annoncée comme « presque sûre » par le Saint-Père en octobre 2016 et confirmée par ses soins dans une interview accordée au journal allemand Die Zeit en mars dernier. (eda/pm)
(Source: Eglises d'Asie, le 13 avril 2017)
Outre des interruptions du culte dans l’Uttar Pradesh, le Rajasthan et l’Haryana, l’arrestation de deux pasteurs évangéliques, pour de supposées conversions forcées, au Madhya Pradesh, et l’interruption d’une prière domestique, dans le Tamil Nadu, ont été signalées.
Des incidents à travers tout le pays
La semaine dernière, quelques incidents avaient déjà été répertoriés : le 8 avril, à Bangalore, une conférence, devant être animée par des pasteurs évangéliques étrangers, avait été annulée au dernier moment, alors qu’une autorisation avait pourtant été accordée. La veille, dans l’Uttar Pradesh, une prière avait été interrompue et tous les fidèles avaient été arrêtés au motif que des « conversions forcées au christianisme » avaient eu lieu. La situation dans cet Etat est particulièrement préoccupante dans la mesure où l’actuel chef du gouvernement de cet Etat, Yogi Adityanath, est le fondateur de la milice nationaliste radicale Hindu Yuva Vahini qui a interrompu la cérémonie.
Plus récemment, mercredi 12 avril, c’est à Bombay (Mumbai) qu’une croix a été profanée. Une paroissienne a en effet découvert une « guirlande de pantoufles » autour de la croix. Dans cette ville, c’est le deuxième acte recensé en deux mois, après la décapitation d’une statue de la Vierge Marie. Pour Sajan K. George, président du Conseil mondial des chrétiens indiens (GCIC), « la profanation de la Sainte Croix […] blesse profondément nos sentiments religieux, en particulier pendant la Semaine Sainte. [...] Dans la tradition indienne, les guirlandes de fleurs servent à vénérer et à honorer ; ici, le Corps sacré de Jésus a été ‘orné’ avec des pantoufles, ce qui indique une volonté claire d’offenser nos convictions religieuses ».
Ainsi, à l’approche des fêtes de Pâques, non seulement les incidents se multiplient, à travers le pays, mais les modes opératoires se diversifient.
La nécessité de faire respecter l’Etat de droit en Inde
Suite à la profanation de la croix à Mumbai, la police a été saisie d’une plainte sur le fondement des articles 295 et 427 du Code pénal, qui sanctionnent respectivement l’attente aux lieux de culte et les actes de vandalisme. L’Union indienne dispose en effet d’un arsenal constitutionnel et juridique censé protéger les minorités religieuses et leurs croyants. Ainsi, l’article 25 de la Constitution dispose que « toutes les personnes ont droit à la liberté de conscience et le droit de professer, de pratiquer et de propager librement la religion ».
Ces provocations suscitent une certaine inquiétude au sein des communautés chrétiennes du pays, d’autant que les nationalistes hindous du BJP (Bharatiya Janata Party - Parti du peuple indien) ont depuis le début de l’année remporté des victoires significatives aux élections régionales (notamment en Uttar Pradesh, le 11 mars dernier).
Pour l’heure, la Conférence des évêques catholiques de rite latin (CCBI) ne s’est pas prononcée sur ces événements. Le 30 janvier dernier, le cardinal Oswald Gracias, président de la CCBI, s’alarmait de « la léthargie dont faisaient preuve les institutions à défendre l’Etat de droit ».
Ces événements ne manquent pas de susciter des réactions de la part des milieux chrétiens. Ainsi, pour Mgr Thomas Thuruthimattam, évêque de Gorakhpur, les arrestations du 7 avril constituent « une véritable attaque indirecte contre la liberté religieuse. Ces menaces indirectes sont contre les principes établis par la Constitution, contre les personnes représentées dans la Constitution elle-même ». De même, l’ONG Christian Solidarity Worldwide observe qu’il est « préoccupant d’entendre que les chrétiens vivant au sein de la démocratie la plus peuplée du monde doivent faire face à des agressions de la part de groupes fondamentalistes hindous [...] : la liberté de conscience et le droit de professer librement sa propre foi sont garantis par la Constitution indienne. Nous exhortons le gouvernement indien à agir avec fermeté contre les groupes fondamentalistes ».
Les provocations, de plus en plus fréquentes et violentes, ne concernent pas seulement les chrétiens : les minorités musulmanes sont elles aussi régulièrement attaquées par les nationalistes hindous. Un conducteur de camions de vaches, de confession musulmane, est ainsi décédé la semaine dernière, après avoir été attaqué par des hindouistes agissant au nom de « la défense de la vache ».
La multiplication de ces incidents et le renforcement des nationalistes hindous au pouvoir ne semblent toutefois pas de nature à compromettre le déplacement du pape François en Inde. Cette visite pastorale a été annoncée comme « presque sûre » par le Saint-Père en octobre 2016 et confirmée par ses soins dans une interview accordée au journal allemand Die Zeit en mars dernier. (eda/pm)
(Source: Eglises d'Asie, le 13 avril 2017)