Comme Eglises d’Asie l’avait annoncé récemment, les 10 et 11 mars dernier, Heiner Bielefeldt, rapporteur spécial des Nations Unies en matière de liberté de religion, a soumis au Conseil des droits de l’homme de l’ONU un rapport détaillé concernant la liberté de religion ou de conviction au Vietnam pour l’année 2014.

Ce rapport, achevé depuis déjà quelques jours, a été rédigé à l’issue d’une enquête menée au Vietnam par le rapporteur et sa délégation du 21 au 31 juillet 2014. Le dernier jour de ce voyage, l’envoyé des Nations Unies s’était déjà exprimé dans un rapport oral. Celui-ci comportait une vigoureuse mise en cause de l’attitude des autorités à l’égard de sa délégation et surtout des personnes contactées pour être entendues par elle.

Tout en reconnaissant les multiples facettes et la richesse de la vie religieuse au Vietnam aujourd’hui, le rapport soulève les problèmes posés par certaines dispositions du système législatif et par le comportement des autorités vis-à-vis de certaines communautés religieuses non reconnues par elles. Selon un communiqué de l’agence Quê Me, les reproches contenus dans le rapport ont entraîné une réaction immédiate de la délégation du Vietnam présente à cette session du Conseil des droits de l’homme. Un membre de la délégation vietnamienne a nié que les autorités vietnamiennes soient intervenues au cours de l’enquête pour empêcher certaines rencontres. Il a reproché au rapporteur spécial de l’ONU de s’être appuyé sur des informations erronées et d’avoir ainsi échoué dans sa description de la situation religieuse réelle au Vietnam.

Cependant, dans les articles écrits à ce sujet, la presse officielle du Vietnam ne laisse rien transparaître des critiques contenues dans le rapport. Le journal Vietnam plus du 13 mars écrit par exemple : « Heiner Beilefeldt a vivement apprécié la coopération et la création de conditions favorables des organes compétents du Vietnam durant sa visite au Vietnam. » Selon ce journal, le rapporteur spécial aurait simplement « proposé au Vietnam de continuer à perfectionner les dispositions de la loi sur les religions ».

Si l’on met à part le préambule du rapport qui relate certains faits saillants du voyage de la délégation au Vietnam et, en particulier, la réaction du rapporteur spécial exprimée oralement le dernier jour du voyage à Hanoi, on peut distinguer deux parties principales dans ce rapport (1). La première traite de l’encadrement légal des activités religieuses. La seconde relève un certain nombre de questions sensibles dans les rapports entre l’Etat et la religion : les communautés religieuses non reconnues, la nomination des dignitaires, la question des propriétés, la présence religieuse en prison ou chez les militaires, etc.

Le rapport présenté au Conseil des droits de l’homme comporte en premier lieu une présentation générale des dispositions législatives et réglementaires encadrant l’exercice du droit à la liberté religieuse. L’étude est minutieuse. Elle porte sur les grands textes législatifs traitant de la vie religieuse, à savoir la Constitution adoptée en 2013, l’Ordonnance sur les croyances et les religions de 2004 et le récent arrêté N° 92, mis en vigueur en novembre 2012. Le rapporteur spécial est particulièrement attentif aux nombreuses dispositions en contradiction avec l’article 18, alinéa 3 du Pacte internationale relatif aux droits civiques et politiques, qui détermine les cas où la liberté de culte peut être limitée (2). Plus encore, il s’arrête sur de nombreux articles du Code pénal qui rendent la liberté religieuse dépendante des « intérêts de l’Etat ». Un des articles les plus utilisés pour condamner les dissidents est l’article 258 : « Avoir utilisé la liberté démocratique pour porter atteinte aux intérêts de l’Etat ».

Dans la seconde partie, la question des communautés religieuses non reconnues par l’Etat est traitée avec un soin particulier. Le rapport déclare : « Le droit à l’autonomie et à l’action des communautés religieuses (ou de conviction) (…) « non reconnues » reste toujours limité et non assuré, tandis que leurs droits à la liberté de religion et de conviction sont formellement violés par les contrôles, les menaces et une pression incessantes. » Plus loin, le rapport s’interroge sur la légitimité de « l’enregistrement » demandé à toutes les communautés religieuses afin de déterminer quelles sont celles qui ont le droit de mener des activités religieuses. Pour le rapporteur spécial, aucune autorité civile ne peut jouir d’un tel pouvoir. Selon le rapporteur, l’Etat peut tout au plus proposer de reconnaître officiellement une communauté.

Le rapport s’achève par une liste de vingt conclusions et propositions suggérées aux autorités gouvernementales. Elles passent en revue les diverses questions posant problème dans les relations des communautés religieuses avec l’Etat. (eda/jm)

Notes
(1) A l’heure où nous écrivons, aucun test complet de ce rapport n’est disponible en anglais ou en français. Il existe cependant une traduction vietnamienne du texte intégral qui a été publié le 1er mars 2015 par Vietnam UPR : http://vietnamupr.com/2015/03/chuyen-gia-ton-giao-lhq-bao-cao-ve-tinh-hinh-ton-giao-vn/ Nous nous servons de cette version.
(2) Il s’agit de l’article suivant : « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui. »

(Source: Eglises d'Asie, le 16 mars 2015)