Aux jeunes d’Asie, le pape demande d’être missionnaires dans un « désert spirituel » croissant

Au deuxième jour de sa visite en Corée du Sud, le pape François a rencontré les quelque 6 000 participants aux VIèmes Journées asiatiques de la jeunesse, au sanctuaire de Solmoe, dans l’après-midi du 15 août 2014. Devant ces jeunes asiatiques, le pape a déploré que le monde ressemble de plus en plus à ...

... un « désert spirituel » et exhorté les jeunes à rester « éveillés et alertes », à aller vers ceux qui souffrent de « pauvreté spirituelle ». Quittant son texte, il a également improvisé pour répondre aux questions de certains jeunes, assurant notamment qu’il y avait une « espérance » pour la réunification de la péninsule coréenne et invitant à prier à cette intention.

C’est sous une immense tente blanche que le pape François a rencontré les jeunes, au sanctuaire de Solmoe, à une centaine de kilomètres au sud de Séoul. Accueilli comme une véritable rock star par des jeunes enthousiastes, le pape a d’abord assisté à quelques spectacles colorés ; un immense sourire aux lèvres, il a ainsi observé avec intérêt une comédie musicale, aussi simple qu’explicite, de la parabole de l’enfant prodigue, mise en scène par des jeunes du diocèse de Cheju (Jeju)).

Puis le pape a écouté les témoignages de trois jeunes : une Cambodgienne lui demandant à l’aider à discerner entre vocation religieuse ou vie laïque, puis l’invitant à venir dans son pays pour béatifier les martyrs du régime des Khmers rouges ; un jeune de Hongkong, s’exprimant non en cantonais mais en mandarin, lui demandant que faire pour et avec les catholiques de Chine continentale et lui suggérant d’organiser des Journées mondiales de la jeunesse sur l’île rétrocédée à la Chine en juillet 1997 ; et enfin une jeune Coréenne, témoignant de son désarroi face à une société où la compétition entre les personnes semble sans limites et où l’argent et la réussite matérielle sont comme des idoles, et interpellant, elle aussi, le pape, demandant au souverain pontife son aide pour comprendre ses frères de Corée du Nord.

En saluant par la suite les trois jeunes, le pape François a fait une confidence au jeune Chinois qui lui avait également demandé le privilège de servir sa messe dans les jours à venir. Un peu plus tard, il a longtemps quitté son texte prononcé en anglais pour répondre, en italien, à certaines questions soulevées par les trois jeunes Asiatiques. Il a ainsi notamment affirmé qu’il y avait une « espérance » pour la réunification de la « famille divisée » qu’est la péninsule coréenne, invitant les quelque 6 000 jeunes à prier avec lui en silence à cette intention. « Vous parlez la même langue, pensez à vos frères du Nord, a poursuivi le pape, et quand en famille on parle la même langue il y a aussi une espérance humaine. »

Le pape François a également assuré à la jeune Cambodgienne qui l’avait interpellée qu’il se chargerait, à son retour à Rome, de lancer des recherches sur des dossiers de canonisation de son pays, qui ne compte pas encore de bienheureux et de saints reconnus par l’Eglise. Même si cela n’a pas été souligné par le pape, on peut ici signaler que le dossier de la cause de béatification de Mgr Joseph Chhmar Salas, nommé coadjuteur de Phnom Penh le 6 avril 1975 à l’âge de 38 ans et mort d’épuisement en septembre 1977 dans le Cambodge de Pol Pot, est en cours. Mgr Olivier Schmitthaeusler, actuel vicaire apostolique du Phnom Penh, a confié cette tâche à Mgr Yves Ramousse, l’un de ses prédécesseurs.

Dans son discours en anglais, le pape a centré sa réflexion sur le rôle missionnaire des jeunes, au regard du « témoignage héroïque des martyrs ». Reprenant le thème de ces VI 6ème Journées asiatiques de la jeunesse ‘Jeunes d’Asie, réveillez-vous. La gloire des martyrs brille sur vous’, il a expliqué comment le témoignage laissé par les martyrs d’hier ne devait pas rester seulement un objet de mémoire mais être une aide aujourd’hui pour que les jeunes catholiques fassent une rencontre personnelle avec le Christ. « Aujourd’hui, a expliqué le pape aux jeunes, le Christ frappe à la porte de votre cœur. Il vous appelle à vous lever, à rester éveillés et alertes, et à voir les choses qui, dans la vie, sont vraiment importantes. » « Mieux, a-t-il poursuivi, il vous demande d’aller sur les routes et sur les chemins du monde, frappant aux portes du cœur des gens, les invitant à le recevoir dans leurs vies. »

« Combien l’esprit du monde semble loin de cette magnifique vision et de ce projet », a ensuite reconnu le pape avant de poursuivre : « Combien de fois les semences de bien et d’espérance que nous essayons de jeter en terre semblent étouffées par les germes d’égoïsme, d’hostilité et d’injustice, non seulement autour de nous, mais encore dans nos cœurs. »

Puis le pape a confié sa préoccupation pour « l’inégalité croissante entre riches et pauvres dans nos sociétés », ou encore par les « signes d’une idolâtrie de la richesse, du pouvoir et du plaisir qui s’obtiennent à un prix très élevé dans la vie des hommes ». « Près de nous, tant de nos et jeunes de notre âge, même s’ils vivent dans un monde d’une grande prospérité matérielle, souffrent de pauvreté spirituelle, de solitude et de désespoir silencieux », a relevé le pape avant de dresser ce constat : « Dieu semble absent du tableau. C’est presque comme si un désert spirituel commençait à s’étendre à travers notre monde. » Et le pape de noter que « cela affecte aussi les jeunes, en leur volant l’espérance et même, dans trop de cas, la vie elle-même ». En Corée du Sud, le suicide est extrêmement élevé, en particulier chez les jeunes.

Enfin, revenant à la parabole du fils prodigue qui avait été mise en scène devant lui quelques minutes plus tôt, le pape a longuement développé le thème de la joie du pardon et de la miséricorde divine. Invitant les jeunes à « ne jamais désespérer », il a demandé aux prêtres et aux évêques d’« embrasser les pécheurs » et d’« être miséricordieux ». « Dieu jamais ne se lasse de pardonner », a-t-il ajouté, soulignant ainsi la centralité du pardon dans la vie chrétienne et rappelant en creux peut-être que le pardon est une valeur assez méconnue dans l’Asie confucéenne où prédomine le souci de préserver la face et l’impératif d’échapper au sentiment de honte.

Le sanctuaire de Solmoe est le lieu de naissance du P. André Kim Taegeon (1821-1846), le premier prêtre du pays ordonné en 1845 avant de mourir en martyr après seulement un an et un mois d’apostolat sacerdotal. Solmoe, qui évoque une colline recouverte de pins, est aujourd’hui un haut lieu de pèlerinage, en hommage aux nombreux martyrs qui vivaient dans la région.