Au lendemain de l’attentat-suicide qui a fait plus de 80 morts et 150 blessés au sein de la communauté chrétienne de Peshawar, alors que les proches des victimes ont commencé à porter en terre les premiers cercueils, la violence et la gravité de l’action terroriste viennent interroger le bien-fondé des négociations que le gouvernement a décidé d’ouvrir avec les talibans pakistanais.
Vingt-quatre heures après l’attentat, les circonstances de celui-ci sont peu à peu précisées : ce dimanche 22 septembre, une foule de quelque 600 chrétiens se pressait à la sortie du service dominical célébré à la All Saints Church de Peshawar. Datant de 1883, construit à l’époque du colonisateur britannique, ce lieu de culte de l’Eglise du Pakistan (1) est situé au cœur de la vieille ville de Peshawar. Sur le coup de 11h30, alors que les fidèles sortaient de l’édifice pour se répandre sur l’espace adjacent à l’église où un repas gratuit était servi, deux jeunes hommes ont pénétré dans le périmètre de l’église. Armés de grenades et d’armes légères, ils ont ouvert le feu avant de se faire exploser. Parmi les victimes, plus de la moitié sont des femmes et des enfants. Une famille a perdu quatre de ses membres, et un cinquième, une fillette de 5 ans, est portée disparue, rapportent ce matin les journaux pakistanais.
Très rapidement, les déclarations condamnant l’attentat ont afflué. En déplacement aux Etats-Unis, le Premier ministre Nawaz Sharif a dénoncé une attaque « cruelle », contraire aux tenants de l’islam. Le ministre fédéral de l’Intérieur Chaudhry Nisar s’est rendu sur place le dimanche en fin d’après-midi et déclaré que les auteurs de l’attentat étaient des ennemis de l’islam et du Pakistan. Le président de la République Mamnoon Hussain a, quant à lui, exprimé sa solidarité avec la communauté chrétienne du pays.
Du côté des responsables religieux, le Conseil des oulémas du Pakistan a fermement condamné l’attentat et affirmé que tuer des innocents était contraire à l’islam. « Il n’y a pas de place en islam pour de telles actions terroristes », a déclaré son chef, Allama Tahir Mehmood Ashrafi. Pour les catholiques, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Joseph Coutts, a condamné l’action « dans les termes les plus fermes » et appelé à la prière pour les victimes et leurs proches. Pour l’Eglise du Pakistan, l’évêque de Peshawar, Mgr Humphrey Peter, qui s’est rendu sur les lieux de l’attentat, a appelé de ses vœux une action rapide des autorités pour que les responsables de l’attentat soient traduits en justice. Il a également dénoncé « la faillite des autorités » dans leur mission d’« assurer la sécurité des minorités » dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, dont Peshawar est la capitale. Et il a mis en cause la responsabilité du gouvernement provincial, en place depuis les élections du mois dernier et dirigé par le Tehrik-e-Insaf, le parti d’Imran Khan (dans l’opposition au Parlement fédéral). En signe de deuil et de protestation, il a été annoncé que l’ensemble des institutions éducatives chrétiennes du pays demeureront fermées pendant trois jours, du 23 au 25 septembre.
A travers le pays, la petite minorité chrétienne du Pakistan a rapidement manifesté sa rage et son impuissance à être ainsi prise pour cible par des terroristes. Dans les principales villes du Pendjab et du Sind, des chrétiens sont descendus dans la rue pour dénoncer la trop faible protection dont bénéficient les lieux de culte chrétiens, rappelant que ces dernières années des mitraillages d’églises et des attentats à la bombe avaient fait des victimes parmi eux sans que les gardes statiques postées par les autorités gouvernementales devant les lieux de culte n’empêchent les terroristes d’agir (2).
Ancien ministre de l’Harmonie religieuse, frère de Shahbaz Bhatti, le ministre assassiné en 2011 par un islamiste, et actuel président de l’APMA (All Pakistan Minorities Alliance), Paul Bhatti a lancé un appel à « [ses] frères chrétiens et musulmans pour garder le calme et faire échec à la tentative des militants [islamistes] de provoquer des émeutes intercommunautaires ». Il a aussi ajouté qu’il avait « honte » pour les autorités de son pays, « l’Etat et les agences de renseignement [étant] si faibles que quiconque peut tuer n’importe qui n’importe où » au Pakistan. Il a enfin mis en doute la stratégie du gouvernement de Nawaz Sharif visant à ouvrir des négociations de paix avec les talibans et les extrémistes à l’œuvre dans le nord-ouest du pays, le long de la frontière afghane. « De quel dialogue parle-t-on ?, a-t-il interrogé. Faire la paix avec ceux qui tuent des innocents ? Mais ils ne veulent pas dialoguer. Ils ne veulent pas la paix. »
Vingt-quatre heures après l’attentat, le doute persiste sur les commanditaires de l’attentat. Des revendications contradictoires circulent. Selon l’AFP, le Tehrik-i-Taliban Pakistan (TTP), organisation chapeautant divers groupes associés aux talibans pakistanais, a créé une nouvelle faction, le Junood ul-Hifsa, ayant pour mission de tuer des étrangers en représailles aux attaques de drones menées par les Etats-Unis en territoire pakistanais. Un porte-parole du Junood ul-Hifsa a revendiqué l’attentat-suicide de dimanche à Peshawar et déclaré que les actions « contre les étrangers et les non-musulmans » continueraient tant que « les attaques de drones se poursuivraient ». En juin dernier, le même groupe avait revendiqué l’assassinat d’une dizaine d’alpinistes étrangers dans la région de Gilgit, à l’extrême nord du pays, pour venger la mort du numéro 2 du TTP, Wali ur-Rehman, tué en mai 2013 par un tir de drone américain.
Mais selon l’agence Reuters, le porte-parole qui a revendiqué l’attentat de dimanche appartiendrait en réalité au groupe Jundullah, autre branche du TTP, et a justifié l’attaque terroriste en ces termes : « [Les chrétiens] sont les ennemis de l’islam et c’est pourquoi nous les visons. Nous poursuivrons nos attaques contre les non-musulmans sur le sol du Pakistan. »
Quoi qu’il en soit de la réalité de ces différentes revendications, l’attentat de dimanche est intervenu à un moment où le Premier ministre Nawaz Sharif cherchait à ouvrir un canal de négociations avec les talibans pakistanais pour parvenir à un accord de paix dans la région troublée du nord-ouest. Samedi 21 septembre, un ex-dirigeant du mouvement taliban afghan, détenu au Pakistan, était libéré et, deux semaines plus tôt, le Premier ministre avait obtenu l’accord des principaux partis politiques du pays pour ouvrir ces négociations. De leur côté, le TTP et ses alliés réclament la fin des attaques de drones, le retrait des troupes pakistanaises de la région du nord-ouest et la libération de leurs militants détenus par Islamabad. Après l’assassinat, il y a huit jours, d’un général de l’armée pakistanaise posté dans le nord-ouest et l’attentat contre la All Saints Church de Peshawar, certains posent la question de la pertinence de la stratégie du Premier ministre. Selon Raja Nasir Abbas, secrétaire général du Majlis-e-Wahdat-e-Muslimeen, parti de la minorité chiite du Pakistan, « la faiblesse » du gouvernement « ne fait qu’encourager les terroristes », alors que la réponse à apporter aux actes des « talibans » devrait être « impitoyable ».
(1) L’Eglise du Pakistan (The Church of Pakistan) est née en 1970 d’un rassemblement des Eglises anglicane, méthodiste, luthérienne et presbytérienne du Pakistan. Elle rassemble environ 1,2 millions de fidèles et représente la moitié du 1,6 % de Pakistanais chrétiens (l’autre moitié étant formée de catholiques romains).
(2) A la All Saints Church, il semble que sur les deux policiers affectés à la garde du lieu de culte, l’un d’eux ait été tué dans l’attentat de dimanche. Selon des témoignages recueillis par la presse pakistanaise, ce policier aurait tenté de ceinturer l’un des deux terroristes, avant que celui-ci ne déclenche sa bombe. Dans les heures qui ont suivi l’attentat, les chrétiens locaux ont mis à sac le local occupé habituellement par les deux policiers, signe de leur colère à ne pas avoir été correctement protégé par eux.
(Source: Eglises d'Asie, 23 septembre 2013)
Vingt-quatre heures après l’attentat, les circonstances de celui-ci sont peu à peu précisées : ce dimanche 22 septembre, une foule de quelque 600 chrétiens se pressait à la sortie du service dominical célébré à la All Saints Church de Peshawar. Datant de 1883, construit à l’époque du colonisateur britannique, ce lieu de culte de l’Eglise du Pakistan (1) est situé au cœur de la vieille ville de Peshawar. Sur le coup de 11h30, alors que les fidèles sortaient de l’édifice pour se répandre sur l’espace adjacent à l’église où un repas gratuit était servi, deux jeunes hommes ont pénétré dans le périmètre de l’église. Armés de grenades et d’armes légères, ils ont ouvert le feu avant de se faire exploser. Parmi les victimes, plus de la moitié sont des femmes et des enfants. Une famille a perdu quatre de ses membres, et un cinquième, une fillette de 5 ans, est portée disparue, rapportent ce matin les journaux pakistanais.
Très rapidement, les déclarations condamnant l’attentat ont afflué. En déplacement aux Etats-Unis, le Premier ministre Nawaz Sharif a dénoncé une attaque « cruelle », contraire aux tenants de l’islam. Le ministre fédéral de l’Intérieur Chaudhry Nisar s’est rendu sur place le dimanche en fin d’après-midi et déclaré que les auteurs de l’attentat étaient des ennemis de l’islam et du Pakistan. Le président de la République Mamnoon Hussain a, quant à lui, exprimé sa solidarité avec la communauté chrétienne du pays.
Du côté des responsables religieux, le Conseil des oulémas du Pakistan a fermement condamné l’attentat et affirmé que tuer des innocents était contraire à l’islam. « Il n’y a pas de place en islam pour de telles actions terroristes », a déclaré son chef, Allama Tahir Mehmood Ashrafi. Pour les catholiques, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Joseph Coutts, a condamné l’action « dans les termes les plus fermes » et appelé à la prière pour les victimes et leurs proches. Pour l’Eglise du Pakistan, l’évêque de Peshawar, Mgr Humphrey Peter, qui s’est rendu sur les lieux de l’attentat, a appelé de ses vœux une action rapide des autorités pour que les responsables de l’attentat soient traduits en justice. Il a également dénoncé « la faillite des autorités » dans leur mission d’« assurer la sécurité des minorités » dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, dont Peshawar est la capitale. Et il a mis en cause la responsabilité du gouvernement provincial, en place depuis les élections du mois dernier et dirigé par le Tehrik-e-Insaf, le parti d’Imran Khan (dans l’opposition au Parlement fédéral). En signe de deuil et de protestation, il a été annoncé que l’ensemble des institutions éducatives chrétiennes du pays demeureront fermées pendant trois jours, du 23 au 25 septembre.
A travers le pays, la petite minorité chrétienne du Pakistan a rapidement manifesté sa rage et son impuissance à être ainsi prise pour cible par des terroristes. Dans les principales villes du Pendjab et du Sind, des chrétiens sont descendus dans la rue pour dénoncer la trop faible protection dont bénéficient les lieux de culte chrétiens, rappelant que ces dernières années des mitraillages d’églises et des attentats à la bombe avaient fait des victimes parmi eux sans que les gardes statiques postées par les autorités gouvernementales devant les lieux de culte n’empêchent les terroristes d’agir (2).
Ancien ministre de l’Harmonie religieuse, frère de Shahbaz Bhatti, le ministre assassiné en 2011 par un islamiste, et actuel président de l’APMA (All Pakistan Minorities Alliance), Paul Bhatti a lancé un appel à « [ses] frères chrétiens et musulmans pour garder le calme et faire échec à la tentative des militants [islamistes] de provoquer des émeutes intercommunautaires ». Il a aussi ajouté qu’il avait « honte » pour les autorités de son pays, « l’Etat et les agences de renseignement [étant] si faibles que quiconque peut tuer n’importe qui n’importe où » au Pakistan. Il a enfin mis en doute la stratégie du gouvernement de Nawaz Sharif visant à ouvrir des négociations de paix avec les talibans et les extrémistes à l’œuvre dans le nord-ouest du pays, le long de la frontière afghane. « De quel dialogue parle-t-on ?, a-t-il interrogé. Faire la paix avec ceux qui tuent des innocents ? Mais ils ne veulent pas dialoguer. Ils ne veulent pas la paix. »
Vingt-quatre heures après l’attentat, le doute persiste sur les commanditaires de l’attentat. Des revendications contradictoires circulent. Selon l’AFP, le Tehrik-i-Taliban Pakistan (TTP), organisation chapeautant divers groupes associés aux talibans pakistanais, a créé une nouvelle faction, le Junood ul-Hifsa, ayant pour mission de tuer des étrangers en représailles aux attaques de drones menées par les Etats-Unis en territoire pakistanais. Un porte-parole du Junood ul-Hifsa a revendiqué l’attentat-suicide de dimanche à Peshawar et déclaré que les actions « contre les étrangers et les non-musulmans » continueraient tant que « les attaques de drones se poursuivraient ». En juin dernier, le même groupe avait revendiqué l’assassinat d’une dizaine d’alpinistes étrangers dans la région de Gilgit, à l’extrême nord du pays, pour venger la mort du numéro 2 du TTP, Wali ur-Rehman, tué en mai 2013 par un tir de drone américain.
Mais selon l’agence Reuters, le porte-parole qui a revendiqué l’attentat de dimanche appartiendrait en réalité au groupe Jundullah, autre branche du TTP, et a justifié l’attaque terroriste en ces termes : « [Les chrétiens] sont les ennemis de l’islam et c’est pourquoi nous les visons. Nous poursuivrons nos attaques contre les non-musulmans sur le sol du Pakistan. »
Quoi qu’il en soit de la réalité de ces différentes revendications, l’attentat de dimanche est intervenu à un moment où le Premier ministre Nawaz Sharif cherchait à ouvrir un canal de négociations avec les talibans pakistanais pour parvenir à un accord de paix dans la région troublée du nord-ouest. Samedi 21 septembre, un ex-dirigeant du mouvement taliban afghan, détenu au Pakistan, était libéré et, deux semaines plus tôt, le Premier ministre avait obtenu l’accord des principaux partis politiques du pays pour ouvrir ces négociations. De leur côté, le TTP et ses alliés réclament la fin des attaques de drones, le retrait des troupes pakistanaises de la région du nord-ouest et la libération de leurs militants détenus par Islamabad. Après l’assassinat, il y a huit jours, d’un général de l’armée pakistanaise posté dans le nord-ouest et l’attentat contre la All Saints Church de Peshawar, certains posent la question de la pertinence de la stratégie du Premier ministre. Selon Raja Nasir Abbas, secrétaire général du Majlis-e-Wahdat-e-Muslimeen, parti de la minorité chiite du Pakistan, « la faiblesse » du gouvernement « ne fait qu’encourager les terroristes », alors que la réponse à apporter aux actes des « talibans » devrait être « impitoyable ».
(1) L’Eglise du Pakistan (The Church of Pakistan) est née en 1970 d’un rassemblement des Eglises anglicane, méthodiste, luthérienne et presbytérienne du Pakistan. Elle rassemble environ 1,2 millions de fidèles et représente la moitié du 1,6 % de Pakistanais chrétiens (l’autre moitié étant formée de catholiques romains).
(2) A la All Saints Church, il semble que sur les deux policiers affectés à la garde du lieu de culte, l’un d’eux ait été tué dans l’attentat de dimanche. Selon des témoignages recueillis par la presse pakistanaise, ce policier aurait tenté de ceinturer l’un des deux terroristes, avant que celui-ci ne déclenche sa bombe. Dans les heures qui ont suivi l’attentat, les chrétiens locaux ont mis à sac le local occupé habituellement par les deux policiers, signe de leur colère à ne pas avoir été correctement protégé par eux.
(Source: Eglises d'Asie, 23 septembre 2013)