Les paroissiens de My Yên dans le diocèse de Vinh viennent de subir une très brutale répression de la part des pouvoirs publics. Dans l’après-midi du 4 septembre, plusieurs centaines d’agents mobilisés par les autorités locales ont lancé une charge féroce contre une partie des paroissiens de My Yên rassemblée pacifiquement devant le siège du Comité populaire communal. Ils y attendaient deux prisonniers en passe d’être libérés, libération à laquelle s’étaient engagées par écrit les autorités, la veille.
L’offensive policière a été extrêmement brutale. On compte une trentaine de blessés graves transportés dans les hôpitaux voisins par les soins de l’évêché. Pour certains d’entre eux, le pronostic vital est engagé. Dès le 6 septembre, une déclaration de l’évêché et une lettre commune de l’évêque de Vinh faisaient un récit détaillé de l’agression policière et dénonçait le comportement inhumain ainsi que le mensonge des pouvoirs publics (on trouvera ci-dessous la traduction par Eglises d’Asie de ces deux textes, en annexe de la présente dépêche).
Ce 4 septembre, dans la matinée, certains paroissiens de My Yên s’étaient rendus à Vinh pour y participer dans la joie à l’ordination du nouvel évêque auxiliaire du diocèse. La veille, rendez-vous avait été pris vers le milieu de l’après-midi avec les autorités communales de Nghi Phuong pour la libération de deux paroissiens arrêtés le 27 juin dernier, Pierre Ngô Van Khôi et Antoine Nguyên Van Hai. Un engagement écrit avait été signé. La population de la paroisse s’était donc rassemblée devant le siège du Comité populaire communal. Cependant, au grand étonnement des paroissiens de My Yên, un barrage policier imposant empêchait tout accès au bâtiment du Comité populaire. Selon le court récit contenu dans la lettre de l’évêque de Vinh, les forces mobilisées par les instances régionales comportaient des agents de la Sécurité, des membres de la Police mobile et des milices d’autodéfense (des « voyous », affirme le texte de l’évêché). Ils étaient équipés de gourdins, de matraques, de grenades lacrymogènes et accompagnés de chiens policiers.
Vers 17h, un petit groupe de paroissiens s’est détaché du rassemblement pour accéder au siège du Comité populaire. C’était le signal qu’attendaient les forces mobilisées par les pouvoirs publics ; elles se lancèrent alors dans une attaque brutale et sans ménagement. Dès le début, un certain nombre de personnes tombèrent sans connaissance. Les autres, pris de panique, se dispersèrent en tous sens, poursuivis par les forces de l’ordre, visiblement préparées à cette répression violente. Certains cherchèrent asile dans les maisons faisant face au siège du Comité populaire. Les agents s’y introduisirent à leur suite saccageant tout sur leur passage et brisant des objets sacrés tels que l’autel des ancêtres.
C’est, semble-t-il, l’évêché du diocèse (situé à Xa Doai) qui s’est chargé de l’évacuation des blessés vers le dispensaire de l’évêché et vers les hôpitaux voisins. Des soins ont été apportés à quelque 300 personnes. On craint encore pour la vie de certaines d’entre elles.
Les origines de cette affaire remontent au 22 mai 2013. Ce jour-là, un certain nombre de catholiques se rendant à la messe dans un lieu de pèlerinage, à Trai Giao, avaient été interpellés et contrôlés par de mystérieux personnages. Des paroissiens de My Yên s’emparèrent de certains d’entre eux et ne tardèrent pas à découvrir qu’il s’agissait d’agents de la Sécurité. Le 27 juin suivant, sans doute en représailles, deux paroissiens, Ngô Van Khôi et Nguyên Van Hai étaient kidnappés sur la route tandis qu’une cinquantaine de paroissiens étaient convoqués au commissariat pour interrogatoire. Ce n’est que huit jours après la disparition de Khôi et de Hai que les familles reçurent un avis de la Sécurité leur indiquant que leurs proches étaient en détention provisoire, inculpés de troubles à l’ordre public.
Ces arrestations et surtout le peu de clarté des agissements de la Sécurité ont provoqué l’émoi et la colère parmi la population catholique de My Yên, laquelle a multiplié les manifestations et les pressions sur les autorités. Le 3 septembre 2013, les paroissiens de My Yên s’étaient encore rendus auprès du Comité populaire de la commune de Nghi Phuong. Ce jour-là, les autorités leur avaient donné rendez-vous pour le lendemain, 4 septembre, à 16h. Les deux paroissiens prisonniers seraient alors libérés. Ils pourraient les raccompagner chez eux. La promesse, hélas, n’a pas été tenue et un piège s’est refermé sur la population paroissiale (1).
Annexes
(les deux textes suivants ont été traduits par la rédaction d’Eglises d’Asie à partir du texte vietnamien mis en ligne le 6 septembre 2013 sur le site Internet du diocèse de Vinh)
Lettre de Mgr Nguyên Thai Hop, évêque de Vinh
Diocèse de Vinh.
Evêché de Xa Doai
Xa Doai, le 6 septembre 2013
Lettre commune affectueusement adressée aux prêtres, aux religieux et religieuses,
aux séminaristes et à l’ensemble de la communauté du peuple de Dieu du diocèse de Vinh avec mes souhaits de paix et de communion dans le Christ notre seigneur.
Frères et sœurs bien-aimés,
Le 4 septembre était un jour de grande joie pour notre diocèse de Vinh. Nous célébrions en effet l’ordination épiscopale de notre évêque auxiliaire. Malheureusement, la joie et le sourire qui illuminaient nos visages dans la matinée ont été remplacés, dans l’après-midi, par les larmes et le sang versés par un peuple innocent au cours de l’agression subie par la paroisse de My Yên, dans la commune de Nghi Phuong, district de Nghi Lôc, province de Nghê An.
Comme vous le savez, vers 17h30, le 4 septembre 2013, conformément à l’engagement signé par les autorités le 3 septembre 2013, les parents de M. Pierre Ngô Van Khôi et de M. Antoine Nguyên Van Hai, ainsi que de nombreux proches et amis catholiques de la paroisse de My Yên étaient venus devant le Comité populaire de la commune Nghi Phuong pour accueillir et accompagner ces deux personnes (NDT – dont les autorités avaient promis la libération), jusqu’à leur domicile. Lorsque la foule fut arrivée sur place, elle s’aperçut avec surprise qu’il n’était pas question de réaliser l’engagement pris. Au contraire, les représentants du pouvoir avaient déployé des soldats sur le pied de guerre, des centaines d’agents de la Sécurité, de la police mobile et des milices d’autodéfense, équipés de grenades lacrymogènes, et accompagnés de chiens policiers, pour bloquer l’entrée du siège du Comité populaire de la commune.
Lorsqu’un petit groupe de parents proches de M. Khoi et de M. Hai s’approchèrent du barrage policier avec l’intention de pénétrer dans le siège du Comité populaire, les forces de l’ordre lancèrent aussitôt une charge féroce contre eux utilisant gaz lacrymogènes, bâtons et matraques, explosif et chiens policiers. Beaucoup tombèrent évanouis, les autres, pris de panique, s’enfuirent dans le désordre. Un certain nombre vinrent rechercher abri dans les maisons faisant face au siège du Comité populaire. Immédiatement, les forces armées par le pouvoir public pénétrèrent dans les maisons, fracassant les objets qui s’y trouvaient, maltraitant toutes les personnes présentes et appréhendant le maître de maison.
Plus grave encore, ils ont détruit et profané des objets sacrés dans la maison de M. Antoine Nguyên Van Van. Cette profanation d’objets qu’il vénérait a profondément heurté ses convictions religieuses.
Cette tragédie a fait au moins 30 blessés. Parmi eux des femmes et les enfants. Pour certains d’entre eux, le pronostic vital reste encore engagé. L’évêché a fait en sorte que toutes les victimes soient prises en charge et soignée à l’hôpital polyclinique de Xa Doai, à l’hôpital 115, ainsi qu’à l’hôpital polyclinique Huu Nghi du Nghê An.
Comme dans la déclaration de l’évêché de Xa Doai, je dénonce, de toutes mes forces, le comportement inhumain et la violence sauvage dont ont fait preuve les pouvoirs publics. Dans le même temps, je vous demande ardemment, frères et sœurs, de prier, d’offrir des sacrifices, d’accomplir des actions concrètes pour manifester votre communion avec la paroisse de My Yên et votre solidarité avec les victimes de la violence. Plus particulièrement, chaque dimanche, les paroisses organiseront une séance de prière et une messe à l’intention de M. Pierre Ngô Van Khôi, de M. Antoine Nguyên Van Hai, encore en prison, ainsi que pour toutes les victimes de la violence.
A cette occasion, nous devons prier ardemment le Seigneur qu’Il veille sur notre diocèse et qu’Il donne aux autorités d’utiliser leur pouvoir au service du bien commun, de respecter la dignité de notre peuple et sa foi religieuse. Cette prière durera jusqu’à ce que les victimes emprisonnées soient libérées et que les personnes blessées soient entièrement rétablies.
En tant qu’évêque de ce diocèse, je supplie le Seigneur de vous bénir tous. Je vous demande de prier pour moi et pour notre diocèse.
Votre évêque
Déclaration de l’évêché de Vinh
« Les autorités du Nghê An ont délibérément utilisé la violence pour réprimer les paroissiens de My Yên (diocèse de Vinh, commune de Nghi Phuong, district de Nghi Lôc, province du Ngê An) »
Ceci est une déclaration officielle de l’évêché de Xa Doai qui proteste de toutes ses forces contre les graves événements survenus le 4 septembre 2013 sur le territoire de la paroisse de My Yên (diocèse de Vinh), dans la commune de Nghi Phuong, district de Nghi Lôc, province du Nghê An.
1.) Les autorités du Nghê An ont mobilisé des centaines d’agents de la Sécurité, de la police mobile, des milices ainsi que des voyous, équipés de toutes sortes d’armes et accompagnés de chiens, pour terroriser et agresser sauvagement la population catholique de la paroisse de My Yên alors que celle-ci s’était rassemblée pacifiquement devant la porte du siège du Comité populaire de la commune de Nghi Phuong afin d’y accueillir deux de ses proches, M. Ngô Van Khôi et M. Nguyen Van Hai. Ces deux paroissiens avaient été kidnappés et jetés en prison par les autorités du Nghê An le 27 juin 2013. Cette opération avait été visiblement menée pour camoufler les arrestations illégales et immorales faites par la Sécurité du Nghê An lors des regrettables événements qui s’étaient produits sur la route de Trai Giao, le 22 mai 2013.
Par ailleurs, le refus actuel de libérer les deux hommes constitue un reniement de l’engagement de leur libération, pris et signé par les autorités responsables le 3 septembre 2013.
La situation s’est encore aggravée lorsque les forces mobilisées par les pouvoirs publics ont pénétré dans les maisons, brisé des objets sacrés, détruit un autel des ancêtres et arrêté des personnes innocentes. Ces agissements ont créé la panique, le trouble et l’insécurité au sein de la population. On déplore particulièrement qu’au moins 30 personnes, parmi lesquelles de nombreuses femmes, ont été gravement blessées. Bon nombre d’entre elles sont encore dans un état critique et l’on craint pour leur vie. Toutes les victimes ont été envoyées en urgence au dispensaire polyclinique de l’évêché de Xa Doai, à l’hôpital du Nghê An et à l’hôpital polyclinique Huu Nghi du Nghê An.
2.) L’évêché de Xa Doai dénonce de toutes ses forces l’utilisation de la violence par les autorités de la province du Nghê An contre la population, les atteintes graves à la dignité humaine, à la santé et à la vie de personnes du peuple, ainsi les atteintes à la foi religieuse. Avec force, nous protestons contre l’attitude des autorités : celles-ci ont tu la vérité au sujet des événements du 22 mai 2013. Elles ont déformé et refusé le dialogue de bonne volonté proposé par l’évêché du diocèse de Vinh en vue de protéger les intérêts de la population et de défendre la justice sociale.
3.) L’évêché de Xa Doai appelle instamment tous les fidèles du diocèse de Vinh et tous les hommes de bonne volonté à entrer en communion dans la prière avec les victimes de cette agression et à élever la voix pour défendre la justice. Nous prions les autorités, à tous les niveaux de la hiérarchie, de se comporter comme il convient dans un Etat de droit.
A diffuser en urgence
Evêché de Xa Doai, le 5 septembre 2013
(1) Les informations utilisées dans cette dépêche sont tirées de plusieurs articles du site du diocèse de Vinh et de VietCatholic News, depuis le 5 septembre 2013.
(Source: Eglises d'Asie, 9 septembre 2013)