Le 8 décembre, veille de la Journée internationale de lutte contre la corruption, les responsables religieux indonésiens, réunis par la Conférence épiscopale catholique, ont exprimé leur inquiétude face à l’ampleur de la corruption dans leur pays, soulignant notamment l’incapacité dans laquelle semble se trouver le pouvoir politique à éradiquer ce phénomène.
Classé dans les derniers pays en matière de lutte contre la corruption (110ème sur 178 pays) par Transparency International, l’Indonésie ne fait pas figure de bon élève. Si la démocratisation de la vie politique a permis que la presse s’empare de ce sujet et dénonce régulièrement dans ses colonnes de retentissants scandales, le phénomène ne semble pas en passe de s’affaiblir. La décentralisation, entamée il y a une dizaine d’années, l’a même aggravé et les déclarations des plus hauts dirigeants indonésiens ne changent pas la donne.
Réélu en octobre 2009 à la tête de l’Etat pour un second mandat, Susilo Bambang Yudhoyono (SBY) a fait de la lutte contre la corruption l’une de ses priorités mais son action en ce domaine a perdu de sa force avec le départ du gouvernement, en mai dernier, de Sri Mulyani Indrawati, ministre des Finances. Celle-ci, très appréciée sur la scène internationale, était considérée comme le fer de lance des réformes et de la lutte anti-corruption; son départ surprise pour un poste de directrice générale de la Banque mondiale à Washington avait été interprété comme un aveu d’échec dans la lutte anti-corruption menée par l’équipe au pouvoir à Djakarta.
Pour les responsables religieux réunis dans les locaux de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie, à Djakarta, c’est la société civile dans son ensemble, sa composante religieuse notamment, qui doit se saisir de cet enjeu. S’exprimant devant deux cents responsables religieux ainsi que des représentants du monde politique et associatif, Mgr Martinus Dogma Situmorang, évêque de Padang et président de la Conférence épiscopale indonésienne, a déclaré: « Il ne suffit pas que nous, responsables religieux, nous exprimions sur ce sujet, ni même que nous le fassions par l’intermédiaire des médias. Nous et les institutions que nous représentons devons nous impliquer sur ce terrain. Ce n’est que comme cela que nous pourrons nous montrer efficace. »
L’évêque catholique a ajouté que si les responsables religieux ne se montraient pas eux-mêmes irréprochables en matière de corruption, l’avenir du pays était mal engagé. Les religieux doivent se montrer à la hauteur de la dimension prophétique de leur mission, a-t-il développé, déclarant: « Nous devons interroger notre conscience à chaque instant lorsque nous avons affaire à la corruption. Nous nous devons de le faire pour le bien de la nation. »
Chez les autres responsables religieux, le ton était tout aussi impératif, sinon alarmiste. Pour le Rév. Andreas Anangguru Yewangoe, président de la Communion des Eglises (protestantes) d’Indonésie, les Indonésiens dans leur ensemble font preuve d’une absence caractérisée de conscience morale. « La situation de notre pays est très dangereuse », a-t-il mis en garde. Pour Din Syamsuddin, président de la Muhammadiyah, la seconde plus importante organisation musulmane de masse du pays, l’Indonésie a besoin d’un traitement de choc, les citoyens n’ayant jamais eu la possibilité de savoir ce qu’était la vie normale et quotidienne dans un l’Etat de droit. « Il doit y a avoir une sorte de ‘big bang’. Sans cela, les mesures qui pourront être prises ne seront jamais assez dissuasives pour empêcher la corruption de prospérer », a-t-il fait valoir.
Selon Ahmad Syafi’i Maarif, intellectuel musulman, fondateur de l’Institut Maarif pour la Culture et l’Humanité, les Indonésiens, quelle que soit leur appartenance religieuse, ne peuvent se contenter de s’appuyer sur leurs responsables religieux pour mener à bien la lutte contre la corruption. « Nous, les Indonésiens, nous allons souvent à l’église, au temple ou à la mosquée, mais je crains que nous n’ayons pas encore suffisamment développé notre ‘intelligence spirituelle’ », a-t-il expliqué devant les responsables réunis à Djakarta.
A l’issue de la rencontre, un texte commun a été rédigé pour demander au président SBY de mener à bien les engagements qu’il a pris en matière de lutte contre la corruption.
En août dernier, à l’occasion du 65ème anniversaire de l’indépendance de l’Indonésie, la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie avait envoyé une lettre ouverte au président SBY, interpellant sans détour le chef de l’exécutif. « Monsieur le Président, le peuple a de plus en plus l’impression que l’élite politique ne sert qu’elle-même », écrivaient les évêques qui poursuivaient en pointant trois sujets d’inquiétude: la croissance économique qui laisse sur le côté 40 % de la population, qui sont les plus pauvres et se sentent « exclus »; l’intolérance qui fait que « des personnes sont contraintes de renoncer à ce qu’elles croient »; la corruption enfin, « qui doit être sanctionnée sans permettre aucune exception » (1).
(1) Voir EDA 536. On pouvait notamment lire le passage suivant dans la lettre des évêques au président SBY: « (…), le plus grave concerne la corruption qui imprègne toute la vie de la nation. Nous nous réjouissons du fait que sous votre présidence, l’éradication de la corruption soit une priorité sans cesse réaffirmée. Cependant, la corruption prend toujours pour modèle ce qui est pourri au sommet. Nous pensons que l’heure n’est plus aux hésitations et que la corruption doit être sanctionnée sans permettre aucune exception.»
(Source: Eglises d'Asie, 9 décembre 2010)
Classé dans les derniers pays en matière de lutte contre la corruption (110ème sur 178 pays) par Transparency International, l’Indonésie ne fait pas figure de bon élève. Si la démocratisation de la vie politique a permis que la presse s’empare de ce sujet et dénonce régulièrement dans ses colonnes de retentissants scandales, le phénomène ne semble pas en passe de s’affaiblir. La décentralisation, entamée il y a une dizaine d’années, l’a même aggravé et les déclarations des plus hauts dirigeants indonésiens ne changent pas la donne.
Réélu en octobre 2009 à la tête de l’Etat pour un second mandat, Susilo Bambang Yudhoyono (SBY) a fait de la lutte contre la corruption l’une de ses priorités mais son action en ce domaine a perdu de sa force avec le départ du gouvernement, en mai dernier, de Sri Mulyani Indrawati, ministre des Finances. Celle-ci, très appréciée sur la scène internationale, était considérée comme le fer de lance des réformes et de la lutte anti-corruption; son départ surprise pour un poste de directrice générale de la Banque mondiale à Washington avait été interprété comme un aveu d’échec dans la lutte anti-corruption menée par l’équipe au pouvoir à Djakarta.
Pour les responsables religieux réunis dans les locaux de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie, à Djakarta, c’est la société civile dans son ensemble, sa composante religieuse notamment, qui doit se saisir de cet enjeu. S’exprimant devant deux cents responsables religieux ainsi que des représentants du monde politique et associatif, Mgr Martinus Dogma Situmorang, évêque de Padang et président de la Conférence épiscopale indonésienne, a déclaré: « Il ne suffit pas que nous, responsables religieux, nous exprimions sur ce sujet, ni même que nous le fassions par l’intermédiaire des médias. Nous et les institutions que nous représentons devons nous impliquer sur ce terrain. Ce n’est que comme cela que nous pourrons nous montrer efficace. »
L’évêque catholique a ajouté que si les responsables religieux ne se montraient pas eux-mêmes irréprochables en matière de corruption, l’avenir du pays était mal engagé. Les religieux doivent se montrer à la hauteur de la dimension prophétique de leur mission, a-t-il développé, déclarant: « Nous devons interroger notre conscience à chaque instant lorsque nous avons affaire à la corruption. Nous nous devons de le faire pour le bien de la nation. »
Chez les autres responsables religieux, le ton était tout aussi impératif, sinon alarmiste. Pour le Rév. Andreas Anangguru Yewangoe, président de la Communion des Eglises (protestantes) d’Indonésie, les Indonésiens dans leur ensemble font preuve d’une absence caractérisée de conscience morale. « La situation de notre pays est très dangereuse », a-t-il mis en garde. Pour Din Syamsuddin, président de la Muhammadiyah, la seconde plus importante organisation musulmane de masse du pays, l’Indonésie a besoin d’un traitement de choc, les citoyens n’ayant jamais eu la possibilité de savoir ce qu’était la vie normale et quotidienne dans un l’Etat de droit. « Il doit y a avoir une sorte de ‘big bang’. Sans cela, les mesures qui pourront être prises ne seront jamais assez dissuasives pour empêcher la corruption de prospérer », a-t-il fait valoir.
Selon Ahmad Syafi’i Maarif, intellectuel musulman, fondateur de l’Institut Maarif pour la Culture et l’Humanité, les Indonésiens, quelle que soit leur appartenance religieuse, ne peuvent se contenter de s’appuyer sur leurs responsables religieux pour mener à bien la lutte contre la corruption. « Nous, les Indonésiens, nous allons souvent à l’église, au temple ou à la mosquée, mais je crains que nous n’ayons pas encore suffisamment développé notre ‘intelligence spirituelle’ », a-t-il expliqué devant les responsables réunis à Djakarta.
A l’issue de la rencontre, un texte commun a été rédigé pour demander au président SBY de mener à bien les engagements qu’il a pris en matière de lutte contre la corruption.
En août dernier, à l’occasion du 65ème anniversaire de l’indépendance de l’Indonésie, la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie avait envoyé une lettre ouverte au président SBY, interpellant sans détour le chef de l’exécutif. « Monsieur le Président, le peuple a de plus en plus l’impression que l’élite politique ne sert qu’elle-même », écrivaient les évêques qui poursuivaient en pointant trois sujets d’inquiétude: la croissance économique qui laisse sur le côté 40 % de la population, qui sont les plus pauvres et se sentent « exclus »; l’intolérance qui fait que « des personnes sont contraintes de renoncer à ce qu’elles croient »; la corruption enfin, « qui doit être sanctionnée sans permettre aucune exception » (1).
(1) Voir EDA 536. On pouvait notamment lire le passage suivant dans la lettre des évêques au président SBY: « (…), le plus grave concerne la corruption qui imprègne toute la vie de la nation. Nous nous réjouissons du fait que sous votre présidence, l’éradication de la corruption soit une priorité sans cesse réaffirmée. Cependant, la corruption prend toujours pour modèle ce qui est pourri au sommet. Nous pensons que l’heure n’est plus aux hésitations et que la corruption doit être sanctionnée sans permettre aucune exception.»
(Source: Eglises d'Asie, 9 décembre 2010)