Le 7 octobre dernier, le bureau de presse du Vatican rendait publique la nomination de deux nouveaux évêques au Vietnam. Le P. Pierre Huynh Van Hai était nommé évêque de Vinh Long, diocèse dont le siège était vacant depuis un certain temps déjà. Quant au P. Aloysius Nguyên Hung Vi, curé de la paroisse de Phuong Nghia, il était nommé évêque du diocèse de Kontum.

Quelques jours plus tard, les deux nouveaux pasteurs étaient interviewés par l’agence de presse en langue vietnamienne VietCatholic News. Le texte vietnamien des entretiens, publiés le 10 octobre sur le site de l’agence, est traduit ici en français par la Rédaction d’Eglises d’Asie.

Interview de Mgr Pierre Huynh Van Hai, évêque de Vinh Long

(…) Monseigneur, pourriez-vous nous faire part de vos impressions lorsque vous avez appris votre nomination par le pape comme évêque de Vinh Long ?

D’abord merci à votre agence et à tous ses collaborateurs… Pendant plus de deux ans, le diocèse de Vinh Long est resté vacant. L’ensemble des fidèles a prié et demandé à Dieu de leur accorder rapidement un évêque qui joue le rôle de pasteur à leur égard. Ils reçoivent aujourd’hui une bonne nouvelle. Le Saint-Siège a nommé un nouvel évêque pour le diocèse. En ce sens, pour moi aussi, c’est une bonne nouvelle ! Mais c’est en même temps un grand souci parce j’ai conscience de n’être pas digne de prendre en charge une œuvre aussi importante. J’ai prié et j’ai réfléchi. C’est à cause du diocèse de Vinh Long que j’ai accepté, confiant dans l’intercession en ma faveur de notre mère Marie et en celle de tous les saints.

Le diocèse de Vinh Long recouvre le territoire de cinq provinces occidentales, dans une région de fleuves et de rivières [le delta du Mékong – NdT]. Pourriez-vous nous faire connaître quels sont les points qui vous préoccupent dans le domaine de la pastorale et de la mission ?

Grâce à Dieu, dans le diocèse de Vinh Long, nos préoccupations sont nombreuses dans le domaine de la pastorale et de la mission. Elles portent sur différents sujets : l’enfance, la jeunesse, les étudiants, les familles, les vocations, la mission. Pour chacun de ces champs pastoraux, il existe des orientations, des activités qui permettent de consolider la foi, de la vivre véritablement. Pour ce qui concerne plus particulièrement la mission, le diocèse a besoin d’être réveillé et poussé en avant. Dans notre diocèse, il existe de nombreuses religions ; les Khmers y sont très nombreux ; beaucoup de personnes n’ont jamais entendu parler du Seigneur et, par conséquent, de l’Evangile.

Malgré les difficultés rencontrées, l’esprit général du diocèse est celui de la mission, une mission réalisée par différents moyens. Nous devons porter une attention plus spéciale aux Khmers. Certes, il est difficile que ceux-ci adhèrent à une autre religion que le bouddhisme, religion qui pour eux est au-dessus de tout. Elle est en effet profondément ancrée dans leur civilisation et dans leur culture depuis de longs siècles ! Malgré cela, le diocèse de Vinh Long a envoyé des chrétiens prendre contact avec eux, apprendre leur langue, parler de religion. (…)

Monseigneur, nous savons que vous êtes aussi vice-recteur et professeur au grand séminaire. Pourriez-vous partager avec nous vos réflexions sur les vocations dans la société d’aujourd’hui et, particulièrement, dans ce diocèse ?

Si l’on considère les trois diocèses de Cân Tho, Long Xuyên et Vinh Long, on y trouve de nombreuses vocations. Chaque année, notre grand séminaire accueille une nouvelle classe de 36 étudiants. Telles sont les effectifs aujourd’hui. Mais le travail de formation d’un prêtre digne de ce nom, conforme au désir de Dieu, ne serait pas possible si l’on s’appuyait uniquement sur ses propres forces. Il faut recourir à la grâce du Seigneur. Si je parle ainsi, c’est parce qu'aujourd’hui, les périodes de formation sont difficiles à organiser. Ainsi, par exemple, aujourd’hui, il n’y a plus de petits séminaires. Nos séminaristes vivent dans le monde jusqu’à la fin de l’université et sont très marqués par son influence.

Une seconde difficulté est constituée par l'influence des sciences et des techniques. Les séminaristes travaillent d’une façon très mécanique ; les ordinateurs remplaçant les esprits humains. Cet état d’esprit influence énormément la vie spirituelle qui doit être celle d’un prêtre de Dieu. Voilà quelques-unes des difficultés rencontrées.

Cependant, malgré cela, s’ils se conforment aux orientations qui leur sont données dans leur formation sacerdotale, nos séminaristes peuvent devenir de bons prêtres, de saints prêtres.

Pour ce qui concerne plus précisément le diocèse de Vinh Long, nous avons créé une commission spécialement chargée des vocations. Dans chaque doyenné, un prêtre est responsable de la prière et des activités en faveur des vocations. Tous les deux mois, une réunion est organisée pour découvrir de nouvelles vocations. Puis après un concours, les candidats sont amenés dans les classes propédeutiques (préparatoires au séminaire). Après une période de trois ans d’études, ils seront envoyés au grand séminaire de Cân Tho.

Les congrégations des Amantes de La croix, des religieuses du Christ Roi ont, elles aussi, des procédés de ce type pour rechercher et former les novices.

Pourriez-vous partager avec nos lecteurs, l’itinéraire de votre propre vocation ?

Je suis né le 19 mai 1954 dans la commune de Thanh Phu, district de Thanh Phu, province de Bên Tre, dans une annexe de la paroisse. C’est là que j’ai été baptisé au mois d’août 1961. Au mois de juin 1966, je suis entré au petit séminaire de Vinh Long. En août 1973, j’étais accepté au grand séminaire de ce même diocèse. J’ai été ordonné lecteur en août 1977, acolyte en mai 1978. Ce n’est qu’en 1991 que j’ai demandé mon admission au diaconat. Et c’est Mgr Raphaël Nguyên Van Diâp qui m’administra cet ordre en janvier 1993. Mgr Jacques Nguyên Van Mâu m’a ordonné prêtre le 31 août 1994 dans la cathédrale de Vinh Long.

Le 8 décembre 1994, je suis parti poursuivre des études à l’Institut catholique de Paris et je suis revenu à Vinh Long en septembre 2004 avec un diplôme de docteur en philosophie.

Pendant une période allant de 1978 à 1990, je suis revenu dans ma famille, pour y travailler aux champs et m’occuper d’un élevage de canards. C’était une époque pleine d’épreuves dans les domaines économiques, sociaux et religieux. Dans la paroisse annexe où je vivais, il n’y avait pas de prêtre. Nous étions obligés d’inviter un prêtre vivant au loin à venir célébrer la messe pendant l’année. Chacun veillait individuellement sur le salut de son âme. Cependant, grâce à Dieu, en 1990, j’ai pu reprendre les cours de philosophie et de théologie et ainsi poursuivre le chemin de ma vocation. Merci, mon Dieu, de m’avoir protégé !

Pourriez-vous parler à nos lecteurs de la devise et du blason épiscopal que vous avez choisis ? Pourriez-vous nous en expliquer la signification ?

A la suite d’un échange de vues avec le conseil diocésain et de quelques jours de réflexion, j’ai choisi un verset de l’Evangile de Luc (5,4) : « Duc in altum et laxate retia vestra … » (‘Avance au large et jette les filets…’). Ce verset qui a deux éléments a beaucoup de rapports avec l’évangélisation et sa motivation. Le premier élément : « Avance au large » fait référence à notre région du Delta du Mékong où la population, les Khmers et beaucoup d’autres adhèrent à de différentes religions. Il existe de nombreux endroits où il n’y a pas une trace de christianisme, où le nom de Jésus n’a jamais été entendu. Aller vers les régions où l’eau est profonde est synonyme de danger pour les pêcheurs, mais c’est aussi, pour eux, l’espoir de pouvoir attraper de très nombreux poissons, le deuxième élément de ma devise : « jeter les filets » signifie que lorsque l’on va vers ces régions où l’eau est profonde, c’est pour y travailler, y travailler assidûment, sinon ce serait une démarche inutile. Il est nécessaire que nous nous sacrifiions, que nous veillions jours et nuits si nous voulons obtenir des résultats.

Dans le blason, il y a une colombe et un bateau. L’idée est que sous la conduite de l’Esprit Saint, le bateau du diocèse sera bien orienté, fera une bonne pêche et arrivera à bon port. (…)

Interview de Mgr Aloysius Nguyên Hung Vi, évêque de Kontum

Monseigneur, pourriez-vous nous faire part des sentiments qui ont été les vôtres en entendant la nouvelle de votre nomination épiscopale à Kontum ?

Je vous remercie de vos encouragements au seuil de ma nouvelle mission. Avant le communiqué officiel du Saint-Siège, l’information selon laquelle j’avais été nommé par le pape a suscité mon inquiétude. Il me fallait prononcer une réponse décisive pour tout le restant de ma vie. J’ai demandé un répit pour réfléchir et prier davantage. Mais, comme vous le savez, la nomination a eu lieu. Je n’ai pas voulu rester irresponsable devant l’appel que Dieu m’a lancé à travers l’Eglise.

Pourriez-vous nous faire connaître les plus grandes difficultés et épreuves qu’il vous faudra affronter pour mener à bien votre mission dans ce diocèse ? Avez-vous un projet, un programme de travail ?

Il existe un certain nombre de difficultés et d'épreuves. Chacune d’entre elles me paraît insurmontable. Sur le plan subjectif, je n’ai jamais pensé qu’un jour comme aujourd’hui, j’accéderais à une fonction nouvelle et importante pour laquelle je n’ai rien appris. Sur le plan objectif, le diocèse de Kontum présente certaines difficultés qui tiennent à sa nature. Il est situé dans la région des Hauts Plateaux du Centre-Vietnam, une région lointaine et accidentée. La vie, en ces régions (éloignées du soleil comme l’on dit), vous la connaissez sans doute.

En outre, le diocèse de Kontum abrite de nombreuses ethnies minoritaires, de nombreuses cultures et cela est aussi un défi. Ainsi, notre tâche sera laborieuse et de longue haleine. Je m’efforcerai de poursuivre l’œuvre entreprise par mes prédécesseurs et plus particulièrement la formation du personnel.

Pourriez-vous nous faire connaître les tâches que vous avez assumées et quels sont vos soucis prioritaires en accédant à votre nouvelle fonction ?

Après avoir reçu l’ordination sacerdotale en 1990, à Nha Trang, j’ai été nommé vicaire dans le lieu de résidence de ma famille, à Binh Cang, une paroisse située à 7 km de Nha Trang. Après trois ans de ministère, l’évêque de Kontum, Mgr Alexis Pham Van Lôc, après s’être accordé avec l’évêque de Nha Trang de l’époque, Mgr Paul Nguyên Van Hoa, m’a rappelé dans le diocèse de Kontum pour m’occuper des candidats au grand séminaire du diocèse, qui se préparaient à l’université de Saigon. Treize ans plus tard, en 2006, l’évêque de Kontum, Mgr Hoang Duc Oanh, m’a envoyé poursuivre mes études à Paris. Après deux ans et demi, je revenais à l’évêché de Kontum avec un statut de résident d’abord provisoire, puis définitif. Depuis 2010, je suis curé d’une paroisse de Phuong Nghia, à côté de l’évêché de Kontum.

Dans un diocèse aussi vaste, sur un territoire aussi accidenté et au milieu d’une multitude de fidèles, comment assumez-vous tout cela dans votre projet pastoral ?

Il est sûr que la tâche est immense et que les forces humaines sont limitées. J’espère que mes frères prêtres au sein de ce diocèse en assumeront la responsabilité avec moi et qu’ensemble, nous édifierons le royaume de Dieu en cette région de mission.

Pouvez-vous nous parler de votre devise et de votre blason épiscopal ?

Nous allons célébrer l’Année sainte de la miséricorde. A cette occasion, j’ai choisi la devise « L’Amour dans la Vérité » (Caritas Veritate). Cette devise me rappelle que je dois aimer en vérité et non pas hypocritement…

Mon blason est encore en préparation. Il représentera une étoile, signe de la miséricorde dont parle la devise. Quant à la vérité, ce sera peut-être une croix, car le Seigneur Jésus est la voie et la vérité. Il y aura aussi des éléments évoquant les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam… (eda/jm)

(Source: Eglises d'Asie, le 18 novembre 2015)